par Leika Kihara
TOKYO (Reuters) - Pour la première fois depuis près de dix ans, la Banque du Japon (BoJ) pourrait envisager de durcir sa politique monétaire l'an prochain face à la remontée des rendements obligataires déclenchée par la hausse des taux de la Réserve fédérale américaine, a-t-on appris de plusieurs sources proches des débats au sein de la banque centrale nippone.
L'inflation japonaise reste très inférieure à son objectif de 2% et la BoJ n'est pas pressée de relever son objectif de rendement des obligations d'Etat à dix ans, mais ses responsables sont plus disposés qu'avant à débattre de la possibilité d'un resserrement et la question pourrait se poser dès 2017 si les taux à long terme continuent de monter, expliquent ces sources.
"La priorité de la BoJ l'an prochain pourrait être de savoir non pas s'il faut baisser mais s'il faut relever son objectif de rendement", a dit l'une d'elles, tout en précisant que le seuil justifiant un tel revirement serait "assez élevé".
La Banque du Japon n'a pas durci sa politique monétaire depuis 2007. Elle avait à l'époque porté son objectif de taux à court terme à 0,5%, décision faisant suite à la fin d'une période d'assouplissement quantitatif. Refondue en septembre, sa politique monétaire est désormais axée sur un objectif de taux à court terme de -0,1% et un objectif de rendement obligataire à dix ans proche de zéro.
La BoJ ne voit aucune raison de relever ces objectifs pour l'instant et elle a souligné que sa priorité était de plafonner les rendements à dix ans autour de son objectif par le biais d'achats massifs d'obligations.
Mais la remontée des anticipations de taux de la Fed et la perspective d'une politique inflationniste aux Etats-Unis après l'entrée en fonction de Donald Trump alimentent la hausse des rendements dans le monde entier, ce qui pourrait compliquer la tâche de la BoJ en rendant plus difficile l'encadrement des rendements à dix ans sans recours massif à de nouveaux achats de titres qui gonfleraient un peu plus son bilan.
UN RELÈVEMENT SERAIT DIFFICILE À JUSTIFIER
Parallèlement, la reprise du commerce mondial rend les responsables de banques centrales de plus en plus confiants dans la relance de l'économie japonaise, ce qui incite certains à envisager des mesures susceptibles d'être perçues comme un resserrement de la politique monétaire, expliquent des sources.
Les analystes, eux, sont divisés sur les mesures que pourrait prendre la BoJ.
Ceux qui jugent élevée la probabilité d'une hausse de taux l'an prochain évoquent un rebond des prix de détail favorisé par la hausse des prix pétroliers et la faiblesse du yen.
"La BoJ pourrait envisager de relever l'objectif de rendement si le yen baisse trop et commence à peser sur la consommation en augmentant le coût de la vie", dit ainsi Masaaki Kanno, chef économiste Japon de JPMorgan Securities.
Des responsables de la BoJ disent pourtant qu'il est très prématuré d'évoquer une hausse de taux et souligne que cela ne sera réellement envisageable que lorsque les anticipations d'inflation seront solidement orientées à la hausse et que la reprise économique sera soutenue.
Certains réfléchissent pourtant déjà au meilleur moyen de justifier un relèvement de l'objectif de rendement sans donner l'impression d'un resserrement monétaire en bonne et due forme.
"Si elle relevait l'objectif de rendement, la BoJ risquerait d'ouvrir la boite de Pandore parce qu'une fois qu'elle l'aurait fait, les rendements obligataires pourraient remonter avec les anticipations de nouvelles hausses de taux", explique Izuru Kato, chef économiste de Totan Research.
"Quelle que soit la manière dont la BoJ justifierait sa décision, les marchés y verraient un resserrement monétaire. Elle aurait du mal à expliquer pourquoi elle agirait ainsi avant que l'inflation atteigne 2%."
(Marc Angrand pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)