par Andrius Sytas
VILNIUS (Reuters) - La Lituanie a officiellement intégré jeudi la zone euro, un changement de monnaie qui vise entre autres à ancrer un peu plus le pays dans le camp européen au moment où la Russie fait étalage de sa force militaire dans la région.
Première république soviétique à avoir déclaré son indépendance en 1990, la Lituanie est ainsi, après l'Estonie et la Lettonie, le dernier des trois pays baltes à adopter la monnaie unique.
Elle devrait rester pendant plusieurs années le plus jeune membre de la zone euro car les autres pays candidats au sein de l'Union européenne devront patienter deux ans au minimum, et sans doute bien davantage.
En devenant le 19e membre du bloc, la Lituanie espère avant tout bénéficier d'une augmentation de ses échanges commerciaux et d'une diminution de ses coûts de financement.
Mais ce choix revêt aussi une signification géopolitique : en optant pour l'euro, la Lituanie se place encore plus clairement dans la sphère d'influence occidentale.
La monnaie unique est "un garant de notre sécurité économique et politique", a ainsi déclaré le Premier ministre, Algirdas Butkevicius, premier Lituanien à avoir retiré un billet de 10 euros à un distributeur de Vilnius.
Le rôle de la Russie dans la crise ukrainienne a ravivé les craintes dans les pays baltes. L'Otan a effectué en 2014 plus de 150 sorties aériennes en réponse à des déploiements d'avions russes, soit trois fois plus qu'en 2013.
Moscou, de son côté, a procédé en décembre à des manoeuvres militaires dans l'enclave de Kaliningrad, frontalière de la Lituanie, mobilisant pour l'occasion 9.000 soldats et 55 bâtiments.
"On vit là où l'on vit, il faut garder cela à l'esprit", a dit à Reuters le gouverneur de la banque centrale de Lituanie, Vitas Vasiliauskas, en réponse à une question sur les bienfaits de l'entrée dans la zone euro.
LA FIN DU LITAS
Sur le plan strictement économique et en dépit des tensions, la Lituanie affiche une note de crédit en catégorie "investment grade", la plus prisée des investisseurs, et l'agence Fitch table sur une croissance de 3% à 5% en 2015, au moins trois fois supérieure à celle attendue dans l'ensemble de la zone euro.
L'économie lituanienne devrait ainsi poursuivre sa reprise après avoir fortement souffert de la crise. En 2009, le produit intérieur brut (PIB) du pays s'était effondré de 15%.
Pour autant, la monnaie unique ne fait pas l'unanimité dans le pays puisque, selon des sondages, la moitié des trois millions de Lituaniens ne sont pas convaincus par l'abandon du litas, la monnaie nationale.
Trois personnes sur quatre disent s'attendre à une hausse des prix après le passage à l'euro et près de deux sur trois craignent de voir leur pays perdre dans l'opération une partie de son identité. "Je crois que mes parents auront du mal à s'y habituer mais après un certain temps, je pense que tout ira bien", dit Domas Ziegraitis, un lycéen de 16 ans.
"Moi-même, et un grand nombre d'entre vous je pense sommes tristes de voir le litas, qui nous a bien servis pendant plus de deux décennies, renvoyé dans l'Histoire, mais nous devons aller de l'avant", a dit le ministre des Finances, Rimantas Sadzius, lors de la cérémonie de passage à l'euro.
L'Estonie a rejoint la zone euro en 2011 et la Lettonie en 2014. Les trois Etats baltes sont membres de l'Union européenne et de l'Otan depuis 2004.
(avec Philip Blenkinsop à Bruxelles, Marc Angrand pour le service français, édité par Henri-Pierre André)