L'Assemblée nationale a adopté mardi sans encombre le projet de budget de la Sécurité sociale comprenant la modulation des allocations familiales, malgré l'abstention de 34 socialistes frondeurs et, dans un contexte politique tendu, de 14 écologistes.
Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale a recueilli en première lecture 270 suffrages pour, 245 contre, et 51 abstentions au total, soit un vote moins étroit que sur le budget de l'Etat la semaine dernière. "Il y a une majorité et il y aura toujours une majorité pour soutenir le gouvernement", s'est réjoui le patron des députés PS, Bruno Le Roux.
Les abstentions de frondeurs ont ainsi reculé de 39 à 34 voix, mais comptent toujours celles des anciens ministres Benoît Hamon et Aurélie Filippetti. "Il était important qu'il y ait une avant-garde de parlementaires socialistes qui donnent ce signal et qui inlassablement démontrent qu'on peut faire autrement", a déclaré un de leurs animateurs, Christian Paul.
Dans un contexte de poussée de fièvre avec le gouvernement après la mort d'un manifestant sur le barrage de Sivens dans le Tarn, une majorité d'écologistes se sont abstenus, comme il y a une semaine sur ce budget de la Sécu porteur de "bien petites économies pour de gros dégâts populaires", en particulier sur les allocations familiales d'après eux.
UMP et UDI, qui déplorent un "dérapage des déficits", ainsi que Front de gauche, qui dénonce la volonté du gouvernement "de faire coûte que coûte des économies", ont voté contre.
La majorité des socialistes et des radicaux de gauche ont voté pour.
Le Premier ministre Manuel Valls s'était rendu dans la matinée à la réunion hebdomadaire du groupe socialiste à l'Assemblée, comme il le fait souvent avant les votes importants, mais avait laissé leur chef de file et des députés "légitimistes" comme Christophe Borgel défendre ce texte "qui prépare l'avenir et maintient notre politique familiale", avait fait valoir Bruno Le Roux.
Ce PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale) doit permettre 9,6 milliards d'économie, soit près de la moitié des 21 milliards de coupes dans l'ensemble des dépenses publiques prévues pour l'an prochain (sans compter les 3,6 mds de "mesures nouvelles" annoncées lundi par Michel Sapin à la Commission européenne).
Les débats dans l'hémicycle la semaine dernière s'étaient concentrés sur la modulation des allocations familiales selon le revenu et les allègements de cotisations sociales des entreprises.
- 'Pas de vaccin' contre les abstentions -
Dès juillet 2015, les allocations familiales de base seront divisées par deux (passant à environ 65 euros par mois) à partir de quelque 6.000 euros de revenus mensuels pour un foyer avec deux enfants, et par quatre (à 32 euros environ) à partir de quelque 8.000 euros. Ces seuils augmenteront de 500 euros par enfant supplémentaire.
L'opposition s'est élevée contre cette réforme, qualifiée de "coup de poignard au pacte républicain de l'universalité de la protection sociale" par le chef de file UMP sur ce texte, Jean-Pierre Door, et de "bricolage" revenant "sur les engagements pris devant les Français" notamment par François Hollande selon le porte-parole des députés UDI, Francis Vercamer.
Une opposition partagée par le Front de gauche, qui y voit des économies "imposées pour financer le pacte de responsabilité" tandis que les écologistes, comme certains socialistes et radicaux de gauche, se montrent réservés.
Mais la majorité des socialistes s'était battue pour arracher le feu vert de François Hollande à la modulation, qui ne figurait pas dans le texte initial du PLFSS et qui a permis de renoncer à des mesures plus pénalisantes pour l'ensemble des familles.
Les frondeurs reprochent toutefois principalement au PLFSS de consacrer les allègements de cotisations sociales patronales, dont le principe a été adopté en juillet à hauteur de plus de 5 milliards d'euros, sans les conditionner à des créations d'emplois. "Prochaine étape" pour eux: le projet de loi Macron pour l'activité, selon l'un d'eux, Pouria Amirshahi.
"La seule chose qu'on n'ait pas trouvé" dans le budget de la Sécu, "c'est le vaccin contre l'abstentionnisme aigu chez certains", a ironisé un porte-parole du groupe PS, Hugues Fourage, après les déchirements qu'a connus le Parti socialiste la semaine dernière.
La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a espéré "un plus vaste rassemblement" lors des prochaines lectures du PLFSS, insistant sur le "renforcement des droits sociaux" apporté selon elle par le projet de loi, en particulier pour les plus modestes avec l'instauration du tiers payant et, mesure concédée la semaine dernière à la majorité, la suppression des franchises médicales pour ces personnes.