par Gilbert Reilhac
STRASBOURG (Reuters) - Salué par le centre droit et une partie de la gauche du Parlement européen, le plan d'investissement de 300 milliards d'euros présenté mercredi par Jean-Claude Juncker suscite un certain scepticisme sur ses capacités à relancer la croissance.
A Paris, le gouvernement français a salué ce qu'il présente comme un "premier pas" qui peut encore être amélioré.
Le président de la Commission européenne a présenté mercredi à Strasbourg ce Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) qui devrait permettre de mobiliser 315 milliards d'euros sur trois ans.
Il disposera pour cela d'un capital garanti de 21 milliards d'euros apportés pour 16 milliards par le budget de l'UE et pour cinq milliards par la Banque européenne d'investissement. Chaque euro public est supposé générer 15 euros d'investissement privé selon une estimation qualifiée de "prudente" par la Commission.
La garantie de 21 milliards d'euros doit ainsi permettre d'en lever 63, donc trois fois plus, sur les marchés afin de réaliser les premiers investissements - prêts, participations directes ou indirectes, entre autres. La Commission espère que la contribution du secteur privé multipliera ensuite ce montant par cinq, pour arriver à 315 milliards.
"C'est un plan réaliste et ambitieux. Nous devons envoyer un message aux Européens et au reste du monde disant que l'Europe est revenue aux affaires", a dit Jean-Claude Juncker devant les députés européens réunis en session plénière.
"TROISIÈME PIÈCE DU PUZZLE"
L'ancien président de l'Eurogroupe avait fait de ce projet l'un des points clés du programme de sa Commission, celle "de la dernière chance" avait-il estimé après le désamour vis-à-vis du projet européen manifesté au mois de mai par les électeurs.
Après les mesures adoptées depuis 2008 par l'UE pour assainir les marchés et résoudre la crise des dettes souveraines, il s'agit de la "troisième pièce du puzzle" pour relancer sans nouvel endettement une croissance atone.
Les participations que pourront prendre les Etats membres dans le fonds ne seront pas imputées à leur endettement budgétaire dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, a assuré Jean-Claude Juncker.
Un comité d'experts sera chargé de valider des projets structurants et créateurs d'emploi dans les infrastructures, notamment numériques, les réseaux énergétiques, les transports, l'éducation, la recherche, les énergies renouvelables.
"Ce seront des investissements à haut risque avec un volet emploi important", a assuré Jyrki Katainen, vice-président de la Commission chargé des affaires économiques.
Le Parti populaire européen, dont est issu l'ancien Premier ministre luxembourgeois, a logiquement approuvé un plan d'action fondé sur l'investissement privé.
"Mais pour être réellement efficace, il doit aller de pair avec d'ambitieuses réformes structurelles dans les Etats membres. L'Italie et la France doivent suivre l'exemple de pays comme le Portugal, l'Irlande, la Lettonie", a estimé son président, l'Allemand Manfred Weber.
UN PLAN À AMÉLIORER, POUR PARIS
Le groupe socialiste et démocrate, qui avait fait de la relance son cheval de bataille lors des élections européennes, s'est montré le plus enthousiaste.
"Cet engagement, c'est le résultat de notre bataille politique", a affirmé son président, Gianni Pitella.
Le ministre français de l'Economie, Emmanuel Macron, a lui aussi favorablement réagi à ce projet réclamé par Paris.
"Le plan est très positif et va dans le bon sens", a-t-il dit à Reuters, estimant toutefois qu'il fallait "plus de subventions et de plus de fonds propres".
"Il y a beaucoup d'éléments que l'on peut réussir à améliorer dans ce plan. Il y a une grande partie qui est en dette, je pense que l'on peut essayer de voir comment améliorer le dispositif", a-t-il ajouté.
Les réserves sont plutôt venues des petits groupes qui ont insisté sur les autres freins aux investissements.
"Ce programme doit contenir un deuxième volet, l'ouverture des marchés. Si vous n'avez pas une véritable unification du marché des capitaux, vous ne pourrez pas utiliser vos actifs pour obtenir des crédits d'investissement en Italie", a expliqué le président du groupe libéral-démocrate, Guy Verhofstadt.
Le leader du groupe des conservateurs et réformistes Européens, le britannique Syed Kamall, a quant à lui ironisé sur le peu d'attractivité de l'Union européenne pour les investisseurs privés en raison, selon lui, de ses règles.
Jean-Claude Juncker a réagi lors d'une conférence de presse aux interrogations suscitées par son plan.
"Il ne faut pas sous-estimer ce paquet, il ne faut pas le surestimer non plus. Il ne permettra pas à lui seul de changer fondamentalement les choses en Europe", a-t-il reconnu, disant vouloir "faire bouger les structures enlisées".
(Avec Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)