La Banque centrale européenne (BCE), qui réunit jeudi son conseil des gouverneurs, devrait s'en tenir aux mesures déjà prises pour lutter contre la crise de la dette en zone euro, bien qu'elles soient pour l'instant sans effet.
Selon les économistes, il y a de bonnes chances que la BCE maintienne son taux directeur à 1%, après ses baisses de novembre et décembre, et s'abstienne de nouvelles mesures pour soulager les banques ou les Etats en difficulté.
Le tableau économique est pourtant inquiétant. La récession saisit les pays de la zone euro les uns après les autres, la confiance dans l'économie s'est encore dégradée en décembre, le chômage est au plus haut (10,3% en novembre).
"Dans cette situation dangereuse, il serait naturel que la BCE baisse ses taux assez nettement", estime Charles Wyplozs, directeur du Centre international d'études monétaires et bancaires (CIMB) de Genève, d'autant que l'inflation se calme (+2,8% en décembre) et se rapproche de l'objectif d'une hausse des prix inférieure à 2% mais proche de ce niveau.
Une baisse, certainement, mais plus tard, rétorquent la plupart des économistes. "La décision de baisser les taux n'ayant pas été prise à l'unanimité en décembre, la BCE renâclera" à récidiver dès jeudi, soulignait Howard Archer, d'IHS.
L'institution de Francfort n'a de toute façon plus beaucoup de lest à lâcher: à 1%, son taux est déjà au plus bas historique. Baisser encore "serait un signal inquiétant quant à la gravité de la crise (auquel) la BCE devrait vraiment préparer le marché et le public" d'abord, estime Christian Bordes, chercheur à l'Université Paris I.
Les observateurs scruteront toute déclaration en ce sens du président de la BCE Mario Draghi, lors de la conférence de presse qui suit la décision de politique monétaire. Il pourrait en particulier encourager "habilement" la dépréciation de la monnaie unique, en laissant espérer de nouvelles baisses de taux, note M. Wyplozs.
La glissade de l'euro, tombé vendredi à son plus bas depuis septembre 2010, s'est accélérée, ce qui a "des aspects positifs sur l'économie, équivalant largement à une baisse des taux", note M. Bordes.
Sur le front bancaire, la BCE semble avoir fait son possible, inondant encore fin décembre les banques européennes des liquidités qu'elles ne trouvent plus sur le marché.
Las, les centaines de milliards offerts ne sont pas employés à faire crédit aux entreprises ou acheter des obligations d'Etats mais retournent chaque soir dans les coffres de la BCE.
Un prêt du même acabit, sur trois ans et à volume illimité, est déjà prévu fin février, et la baisse du taux de réserve des banques, autre moyen de libérer de l'argent frais, prend effet le 18 janvier.
Mais ces palliatifs échouent à faire revenir la confiance, faute de traiter la crise de la dette.
Le président de la BCE "a déjà clairement indiqué qu'il voulait des gouvernements des engagements précis pour l'avenir (...) Il attend qu'ils fassent leur travail, avant de faire le sien", rappelle Charles Wyplozs.
Tout infléchissement du veto de M. Draghi à l'achat direct et en masse de la dette des Etats européens pour les soulager, sera évidemment scrutée jeudi, mais sans grand espoir.
M. Draghi "va continuer à résister (aux appels) à acheter plus de dette" prédit Jonathan Loynes, de Capital Economics. Mais il devrait "laisser la porte ouverte" à toute mesure future, soulignant "les incertitudes élevées" et les "risques" qui pèsent, ajoute Michael Schubert, de Commerzbank.