Une semaine déterminante s'ouvre lundi pour l'avenir de la réforme très controversée du code du Travail. Manuel Valls va tenter de convaincre les partenaires sociaux et les socialistes qu'il a entendu leurs "inquiétudes", avant la première contestation dans la rue mercredi.
Les numéros un des syndicats CFTC, FO, CGT, CFDT, et côté patronal CGPME, vont se succéder lundi à Matignon pour des entretiens avec le chef du gouvernement, entouré des ministres Myriam El Khomri (Travail) et Emmanuel Macron (économie).
Ces concertations se poursuivront mardi avec la CFE-CGC (cadres) et le Medef, et mercredi avec l'UPA et l'Unsa, avant une réunion plénière le 14 mars.
Si les syndicats dits "réformistes", dont la CFDT, ont demandé des modifications de ce texte jugé "trop libéral", sept autres, parmi lesquels la CGT, FO et Solidaires, exigent son retrait pur et simple.
Avant ces rendez-vous, et la journée d'action organisée mercredi par plusieurs organisations de jeunesse et certains syndicats de salariés, Manuel Valls a promis, dans un entretien au Journal du Dimanche, des "améliorations" sur les deux mesures les plus contestées: l'extension du licenciement économique et la création d'un plafond pour les indemnités prud'homales.
Suffiront-elles à calmer les critiques ? La proposition a été d'emblée rejetée par FO. "Il ne s'agit pas de négocier à la marge une ou deux mesures, négocier la longueur de la chaîne et le poids du boulet", a déclaré Pascal Pavageau, secrétaire confédéral chargé de l'économie. "C'est l'ensemble des articles qu'il faut réécrire".
Le Premier ministre de son côté s'est dit déterminé à faire voter le texte au Parlement "avec les amendements nécessaires, mais il exclut tout "statu quo". Le premier examen à l'Assemblée nationale est prévu fin avril.
Ce projet de loi, dont la présentation en conseil des ministres a été repoussée du 9 au 24 mars pour laisser au gouvernement le temps de le "retravailler", est censé répondre au chômage de masse, mais il est jugé trop favorable aux entreprises par les syndicats et une partie de la gauche.
Les négociations avec les partenaires sociaux s'annoncent délicates. Car selon un élu proche du gouvernement, le Medef a conditionné son accord au compte personnel d'activité (CPA) - un des rares points que les syndicats jugent bénéfiques aux salariés - à "une souplesse" sur le licenciement économique et le barème sur les indemnités.
- nouveau CPE? -
Le patronat a déjà prévenu qu'il n'accepterait pas un "affadissement" de la réforme.
Dans son entretien au JDD, le Premier ministre a pris soin de s'adresser aux jeunes, appelés à descendre dans la rue mercredi, en assurant que "c'est la jeunesse qui a le plus à gagner avec cette loi, car elle est la première victime du système actuel: précarité et CDD à répétition".
Alors qu'une nouvelle journée de grèves et manifestations est prévue le 31 mars, 58% des Français, selon un sondage, voient déjà le mouvement prendre autant d'ampleur que la fronde anti-CPE (contrat première embauche) il y a dix ans.
La forte mobilisation, notamment des lycéens et étudiants, avait alors conduit le gouvernement Villepin à retirer sa loi.
Dimanche, l'ancien ministre du Travail Xavier Bertrand (Les Républicains) s'est lui aussi demandé si cette "affaire" n'allait pas "finir en CPE".
Ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie évoque, lui, "le syndrome 1995" et souligne dans Les Echos de lundi qu'un projet de loi "mal compris" peut servir d'"étincelle".
La contestation atteint les rangs du PS, et le Premier ministre devra convaincre les députés de son propre parti, réunis mardi soir pour un séminaire consacré au projet de loi.
Dimanche, le député PS Malek Boutih a voulu "relativiser": "il y a sans doute une inquiétude, mais je n'ai pas l'impression que le pays soit totalement tendu (...) et que la jeunesse soit prête à faire la révolution".