Emmanuel Macron a lancé jeudi la deuxième phase des réformes sociales, celle de la formation et de l'assurance chômage, en recevant les responsables des syndicats et du patronat dans un climat alourdi par les premiers choix du quinquennat.
"Objectif : inventer de nouvelles protections", a tweeté Emmanuel Macron à la mi-journée.
Mais au cours des premières rencontres, avec Jean-Claude Mailly (FO), Philippe Martinez (CGT) et François Hommeril (CFE-CGC), rien de nouveau n'a filtré sur le contenu des réformes. "L'architecture n'est pas encore définie, cela va faire l'objet des discussions dans les semaines à venir", selon M. Mailly.
Leur succéderont à l'Elysée les six autres leaders syndicaux et patronaux, dont Pierre Gattaz (Medef) dans l'après-midi et Laurent Berger (CFDT) vendredi matin.
L'exécutif reprend ainsi la méthode des ordonnances sur le Code du travail: le président ouvre la concertation, avant de passer le relais au Premier ministre Edouard Philippe et à la ministre du Travail Muriel Pénicaud, qui recevront les partenaires sociaux à Matignon de mardi à jeudi prochain. Le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer sera présent pour le volet apprentissage. Un projet de loi est attendu en avril.
Une méthode qui a permis de faire passer les ordonnances malgré la contestation, mais n'a pas convenu à la CGT, le syndicat y voyant "de la communication" plutôt qu'une vraie concertation. "J'ai rappelé au président de la République que se voir c'est bien, discuter ça sert toujours, mais que nous n'avions pas des têtes d'alibis", a rapporté M. Martinez à la presse, après une heure de tête à tête avec M. Macron.
Le leader cégétiste réclame des discussions sur la base d'un "texte" et l'organisation de "multilatérales" réunissant tous les partenaires sociaux.
François Hommeril a également jugé "pas adaptée" la méthode des bilatérales.
Sur le fond, pour Philippe Martinez, "pas question de réduire les droits des privés d'emploi". Jean-Claude Mailly s'est aussi exprimé contre "un système a minima" pour les indemnisations chômage.
La réforme de l'assurance chômage, qui doit être étendue aux indépendants et aux démissionnaires, risque en effet de cristalliser le plus l'attention. Les syndicats craignent que ces nouveaux bénéficiaires n'entraînent une baisse des allocations.
- "Beaucoup d'incertitudes" -
Autres sujets de friction: le financement et la gouvernance. Le régime ne serait plus uniquement financé par les cotisations, mais également par l'impôt (CSG), et il passerait d'une gestion paritaire par les partenaires sociaux à une gestion tripartite avec un pilotage de l'Etat. MM. Mailly et Martinez ont vilipendé ce projet, défendant le rôle des syndicats et du patronat.
Sur le volet formation professionnelle, M. Mailly a plaidé pour une négociation entre partenaires sociaux plutôt qu'une simple concertation. "Je pense qu'il y aura négociation", a-t-il dit.
Le gouvernement veut, comme d'autres avant lui, simplifier un secteur peu lisible où se côtoient de nombreux acteurs, en s'appuyant sur le compte personnel de formation (CPF). Dans un rapport publié mercredi soir, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) juge que ce dispositif mis en place en 2015 "reste en-deçà des ambitions initiales".
A l'avenir, Muriel Pénicaud souhaite "que chaque Français, chaque salarié, puisse avoir sur une +appli+, facile d'accès à tous, ses droits à la formation: combien d'heures, combien ça coûte, (...) quel est le taux d'insertion dans l'emploi après".
Le climat social s'est alourdi depuis l'été, entre la mobilisation des fonctionnaires mardi, une discussion budgétaire animée à l'Assemblée, et le troisième appel de la CGT à manifester, le 19 octobre, pour le retrait des ordonnances, publiée fin septembre et déjà entrées en vigueur.
"On est tous d'accord pour dire qu'il y a de l'inquiétude sur ce qui va être fait en termes de formation professionnelle et d'assurance chômage, qu'il y a beaucoup d'incertitudes", a indiqué Véronique Descacq (CFDT) à l'issue d'une intersyndicale lundi.
Les syndicats, qui peinent à se mettre d'accord sur une riposte, doivent se revoir le 24 octobre, après avoir rencontré l'exécutif sur ces nouveaux chantiers.