A deux jours du salon de l'Agriculture, le ministre Stéphane Le Foll pose sans détour le débat sur l'utilité de l'agriculture industrielle, tout en regrettant que certains, comme McDonald's, reprennent à leur compte le concept d'agroécologie.
Question: Le monde agricole est en crise, la fête au salon cette année ne sera-t-elle pas rattrapée par la réalité économique ? Dans ce contexte,pensez-vous que François Hollande et vous serez bien reçu samedi au salon ?
Réponse: C'est vrai que ça se passe dans un contexte où les difficultés sont présentes sur les marchés, en particulier avec des prix qui ne sont pas suffisamment rémunérateurs. Je pense aux filières animales et particulièrement la filière porcine, les fruits et légumes cet été.
Je ne peux pas dire que ce salon soit un soleil très brillant.
J'espère (être bien reçu), dans un contexte qui est difficile. Mais je ne fais pas de pari, on fait ce qui doit être fait pour apporter des solutions, même si c'est pas toujours facile.
Q: Hier, en Conseil des ministres, vous avez donné l'autorisation à l'extension des élevages de volailles, c'est un blanc-seing à l'agriculture industrielle, non ?
R: Je vais être très franc et très clair: ceux qui disent qu'on peut se passer d'agriculture industrielle sont des gens qui se mentent à eux-mêmes. Et je voudrais être sûr que ceux qui le disent, ne sont pas les derniers à acheter de temps en temps des produits issus de l'industrie agroalimentaire.
La ferme des 1.000 vaches (dans la Somme, ndlr), ce n'est pas mon modèle parce que derrière, c'est un investisseur et il n'y a pas d'agriculteur.
Mais il ne faut pas qu'il y ait de faux débat. On sait qu'on a besoin d'une industrie agroalimentaire et on sait, pour la production d'un certain nombre d'aliments, qu'on a besoin d'une production suffisamment industrialisée pour qu'elle soit accessible.
Si on me disait par exemple sur le cochon: on veut plus de production de cochons hors-sol et ce sont les Allemands qui les produisent. Après je demanderais à ceux qui font ce choix-là d'aller expliquer à tous les abattoirs et leurs salariés qu'ils ferment.
Ce serait propre chez nous (moins d'algues vertes, ndlr), et on consommerait ce que produisent les Allemands. Il y a un vrai problème de mise au clair dans ces débats. On ne peut pas tout vouloir, et son contraire.
Donc je suis là pour faire correspondre des enjeux qui sont contradictoires.
Q: N'est-il pas choquant que Carrefour (PARIS:CARR), ou même Lidl cette année, soient omniprésents au salon avec des stands géants ? Vous qui portez le projet d'agroécologie, que vous inspire le fait que McDonald's communique sur son "engagement" dans cette voie ?
R: Si je me disais que Carrefour ne vendait aucun produit agricole, je pourrais me dire, qu'est-ce qu'ils viennent faire au salon de l'agriculture ?
Mais ils vendent des produits agricoles, il ont même une marque commerciale qui cherche à valoriser les productions locales.
La grande distribution vit sa vie avec ses contraintes et ses ambitions. Mais on exerce une pression, dans le dialogue et le respect, sur la grande distribution pour qu'elle évite d'entrer dans des processus de déflation qui sont catastrophiques (pour les industriels et les agriculteurs).
McDonald's, c'est un sujet sur lequel on a engagé une réflexion. Le concept d'agroécologie pose la question des modèles de production pour combiner la dimension environnementale avec la dimension de production.
Et ce dont on s’aperçoit maintenant, c'est que ce concept peut être repris pour être un argument commercial. Là c'est vrai qu'on a été un peu rattrapé par la patrouille. Alors est-ce qu'on va aller vers un système de labellisation de l'agroécologie ou pas ? J'avoue que je ne voudrais surtout pas qu'on dévoie le projet lui-même. L'agroaécologie c'est d'abord la question des agriculteurs, une question de technique agricole, ce n'est pas un slogan commercial.