La dirigeante du FMI, Christine Lagarde, a pris vendredi le contre-pied des autorités ukrainiennes, alarmistes sur l'économie du pays, en récusant toute "panique" et en déplorant la surenchère sur de possibles plans d'aide.
"Nous ne voyons rien d'alarmant, rien qui mérite de paniquer pour le moment", a déclaré la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) à Washington, à l'issue d'une rencontre avec le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier.
Affirmant que les caisses de l'Etat étaient "vides", les nouvelles autorités ukrainiennes, qui ont succédé au président déchu Viktor Ianoukovitch, ont lancé jeudi un appel à l'aide du FMI, qui s'est aussitôt déclaré "prêt à y répondre".
Les discussions sur un plan d'aide ne doivent débuter que la semaine prochaine mais des estimations circulent déjà avec insistance à Kiev, au grand dam de Mme Lagarde.
Un chiffre global de 35 milliards de dollars sur deux ans a d'abord été avancé avant que le nouveau gouvernement ne dise, jeudi, attendre 15 milliards spécifiquement du FMI.
"Nous espérons que les autorités vont se garder d'avancer toutes sortes de chiffres qui n'ont pas de sens jusqu'à ce qu'ils soient étudiés en bonne et due forme", a déclaré Mme Lagarde.
Le ministre des Affaires étrangères allemand lui a emboîté le pas, en regrettant "une surenchère visant à parvenir au chiffre le plus élevé possible". Les Européens se sont pour le moment gardés de préciser tout montant tandis que les Etats-Unis ont déjà offert leur garantie sur un prêt à hauteur de 1 milliard de dollars.
"Nous devons nous appuyer sur des faits", a ajouté Mme Lagarde, assurant qu'il était "extrêmement prématuré" d'avancer un quelconque montant avant le rapport de la mission sur le terrain.
- Grande confusion -
Certains experts assurent que l'Ukraine surévalue ses besoins financiers afin de se donner plus de temps pour réformer son économie et d'alléger les mesures d'austérité qui seront sans doute demandées par le FMI et d'autres bailleurs de fonds.
Selon l'institut de la finance internationale (IIF), le lobby des banques internationales, l'Ukraine n'aurait ainsi besoin "que" de 20 milliards d'euros sur deux ans, et non pas 35, si elle prend des mesures d'austérité.
Une grande confusion continue toutefois d'entourer l'état réel des finances ukrainiennes, à l'heure où l'instabilité politique est encore forte dans le pays.
Selon différentes estimations, le pays devra rembourser cette année entre 6 et 10 milliards de dollars de dette publique. Ses réserves de change auraient par ailleurs fondu à 12 milliards, contre 16 milliards fin janvier, selon l'IIF.
"Les chiffres actuellement sur la table ne peuvent être vérifiés", a assuré M. Steinmeier.
Pour Mme Lagarde, il en va de la crédibilité du FMI qui doit, selon sa procédure interne, d'abord trouver un accord avec les autorités sur un montant d'aide et un plan de réforme avant de le soumettre à ses Etats-membres.
Soumis à une forte pression des Etats-Unis et de l'Europe, le Fonds ne veut pas rééditer le précédent de 2010 où il a été accusé d'avoir accordé son aide à la Grèce au mépris de ses règles internes, afin d'éviter un éclatement de la zone euro.
Cette inquiétude trouve un écho parmi certains pays-membres. "Le Fonds ne peut pas se permettre d'être vu comme un instrument politique" aux mains des Américains et des Européens, a déclaré à l'AFP le représentant brésilien au Fonds, Paulo Nogueira Batista.
"Le FMI doit préserver sa crédibilité en se gardant d'enfreindre ses propres règles", a-t-il ajouté, précisant qu'il s'exprimait à titre personnel.
Le FMI se montre d'autant plus prudent avec l'Ukraine qu'il a un lourd passif avec le pays.
En juillet 2010, il avait accordé au pays une ligne de crédit de 15,3 milliards de dollars qu'il avait bloqué début 2011 face au refus des autorités de l'époque de mettre en oeuvre les réformes exigées en contrepartie, notamment une baisse des subventions aux prix à l'énergie.
Les différentes missions de l'institution qui s'étaient ensuite succédées à Kiev se sont toutes soldées par un échec.