Amertume et nostalgie se mêlaient chez les ouvriers de PSA Peugeot-Citroën qui ont pu prendre une ultime photo devant la dernière voiture sortie de production vendredi matin, a constaté l'AFP à l'intérieur de l'usine.
07H00 du matin, une Citroën C3 gris clair, sans plaques d'immatriculation ni enjoliveurs, avance dans le hall de montage de la porte 3, d'où la plupart des machines ont disparu. Les ouvriers ont obtenu de la direction qu'elle les laisse, pendant une petite demi-heure, faire leurs adieux à "leur" dernier véhicule.
Les ouvriers qui ont embauché une demi-heure plus tôt arrivent au compte-goutte dans l'îlot de lumière où est exposée cette C3. "Ca fait mal au cœur", lâche Daniel, 42 ans de maison. "J'ai connu la DS, quand j'étais tôleur", se souvient-il.
"J'aurais dû m'habiller en noir pour suivre le corbillard", plaisante, mi-figue mi-raisin, Tahar. "Même pour un +petit nouveau+ comme moi, avec 11 ans de maison, ça fait quelque chose", ajoute-t-il.
Casquette sur la tête et tablette à la main pour immortaliser l'instant, Amadou, rentré en 1999 chez PSA, a rejoint un de ces petits groupes de salariés qui défilent pour prendre la pose. Des salariés qui ont souvent plusieurs décennies de carrière.
"Je vais tirer un grand poster avec la photo", explique-t-il, "fier" de cette dernière voiture produite: "ca restera gravé dans nos coeurs, on ne pourra pas l'oublier, c'est la moitié de notre vie".
"Ca fait un pincement au coeur, c'est dur. C'était une fourmilière avant ici", témoigne très ému Momo, un ouvrier devenu l'un des photographes officiels de PSA, qui cumule 23 années dans l'entreprise. Il a sorti trépied et appareil reflex pour l'occasion.
Aujourd'hui, dans le hall de montage de plusieurs centaines de mètres carrés, les travées, dans la pâleur des néons, sont désertes.
La dernière voiture, "pour le show-business"
"On avait tous nos liens sociaux ici, c'est triste", ajoute-t-il, pointant les mines tristes et fatiguées de ceux qu'il a cotoyés il y a vingt ans à Aulnay, lorsqu'il y avait "des rosiers et de l'herbe autour de l'usine".
Cela fait des mois que les ouvriers ne travaillent plus et que les voitures sortent au compte-goutte des ateliers. Tous les matins, ils doivent pointer à 7 heures, et ne peuvent ressortir de l'enceinte qu'à 14 heures.
"Ils nous surveillent, ils nous regardent, et c'est tout. Ensuite, il n'y a plus rien à faire, discuter et boire des cafés", constate l'un des ouvriers.
"Cette +dernière voiture+, c'est pour le show business! Elle sort ce matin, mais elle est prête depuis des semaines", dénonce Christophe. "T'as deux sortes de gens: ceux qui n'en ont rien à foutre, et ceux qui sont écoeurés", analyse-t-il.
Comme de nombreux ouvriers, il peste contre la "stratégie" de communication de PSA autour de cette dernière voiture, mais sans résister à poser devant, pour un ultime cliché.
"C'est purement symbolique. La voiture est prête depuis juillet, et depuis, on ne fait rien", dénonce Bahija, une carrière de 20 ans au ferrage derrière elle.
Cette dernière C3, c'est le symbole d'un "fiasco total, avec des milliers d'emplois perdus", ajoute Philippe Julien, le leader de la CGT du site, regrettant que "depuis le début de cette affaire la direction (aille) de mensonge en mensonge".
Dehors, derrière les grilles de l'usine, la CGT a rassemblé une centaine d'ouvriers, munis d'une banderole "non à la fermeture de PSA Aulnay". "aucune usine ne doit fermer - interdition des licenciements".