Habitué à dégager des excédents commerciaux massifs et réguliers, le Japon est désormais victime de récurrents déficits, à cause d'une facture énergétique colossale depuis l'accident de Fukushima, et du ralentissement d'activité à l'étranger. En avril, l'archipel a encore déploré une balance commerciale dans le rouge.
Malgré une augmentation des exportations d'automobiles, de pièces détachées afférentes et d'appareils audiovisuels, le ministère des Finances a annoncé mercredi que les comptes du commerce extérieur de la troisième puissance économique mondiale avaient affiché un solde négatif de 520,3 milliards de yens (près de 5,2 milliards d'euros).
Le Japon avait déjà fait état d'un déficit en mars précédé d'un léger bénéfice en février et de quatre mois consécutifs dans le rouge.
Les économistes s'attendaient certes à un mauvais résultat en avril, mais moins grave que celui annoncé, lequel est en outre pire que celui constaté un an auparavant immédiatement après le séisme, le tsunami et l'accident nucléaire du 11 mars 2011 qui ont saccagé durant plusieurs mois la machine industrielle nippone.
La piètre situation du commerce extérieur nippon provient désormais de la conjonction de plusieurs facteurs défavorables à l'archipel.
Les exportations, une des traditionnelles locomotives économiques du Japon, souffrent depuis des mois des conséquences des catastrophes naturelles (séisme, tsunami et typhons au Japon, inondations en Thaïlande) ainsi que des aléas de l'activité mondiale, ternie par la crise d'endettement en Europe et les hoquets de la reprise américaine.
S'y ajoute la cherté du yen qui sabote la compétitivité des produits nippons à l'étranger et réduit le volume des exportations, les entreprises étant de plus en plus tentées de produire à l'étranger. Inversement, elles ont tendance à s'approvisionner davantage hors du Japon en composants et matériaux, pour payer moins cher... ce qui gonfle encore les importations et creuse le déficit.
En outre, et c'est surtout là que réside le problème, depuis l'accident du complexe atomique Fukushima Daiichi, les compagnies d'électricité de l'archipel sont forcées d'élever leurs volumes d'achat de gaz naturel et pétrole pour faire tourner à plein régime leurs centrales thermiques. C'est en effet à ce jour la seule façon pour elles de compenser l'absence totale de production d'électricité par fission nucléaire du fait de l'arrêt prolongé de tous les réacteurs du pays.
De ce fait, en avril, les importations ont grimpé de 8,0% sur un an, à 6.086,8 milliards de yens (60 milliards d'euros), également dopées par les achats extérieurs d'appareils de télécommunications.
Du fait de l'arrêt des 50 réacteurs nucléaires et de l'augmentation des cours de l'énergie, "il est possible que la valeur des importations continuent à s'élever un certain temps", a prévenu un fonctionnaire du ministère des Finances.
Les exportations ont quant à elles certes progressé en valeur, de 7,9% en comparaison annuelle à 5.566,5 milliards de yens (55 milliards d'euros), du fait d'un rebond consécutif au trou d'air suivant le désastre.
Ce regain est à mettre au compte des expéditions vers l'étranger d'automobiles, de pièces détachées afférentes destinées à être assemblées dans des usines ou encore de produits audiovisuels.
Le tout n'a cependant pas été suffisant pour dépasser le montant des achats de biens en provenance de l'étranger, d'autant que les ventes vers l'Union européenne, à l'économie malmenée par la crise de la dette de plusieurs nations, ont encore reculé sur un an pour le 7e mois de suite, de 1,9% en valeur, malgré un fort regain des expéditions d'automobiles.
La chute globale résulte de moindres envois vers les pays du Vieux continent de composants électroniques, de matériaux organiques ou de navires.
Une baisse plus accentuée (-7,1%) a aussi été constatée vers la Chine, du fait d'un repli des livraisons d'équipements de production électrique, d'aciers ou d'engins industriels, tandis qu'ont bondi les importations de pièces d'automobiles ou d'appareils de télécommunications assemblés dans ce pays voisin pour être vendus sur le marché japonais.
"A l'avenir, la croissance ou non des exportations dépendra de l'évolution de la situation économique extérieure", selon Hideki Matsumura, analyste de Japan Research Institute (JRI), lequel n'est guère optimiste: "l'économie américaine semble se requinquer dans une certaine mesure, mais on entrevoit un ralentissement en Chine à cause de la baisse d'activité en Europe, si bien que dans l'ensemble les exportations nippones pourraient rester faibles dans les prochains mois".