Formée en 2010 pour sortir Athènes de l'ornière, la "troïka" réunissant le FMI, l'UE et la BCE a vu depuis son unité soumise à rude épreuve par la crise grecque qui a fait apparaître en son sein des désaccords et des tensions.
Officiellement, les trois bailleurs de fonds de la zone euro affichent un front uni tant sur la Grèce, en attente d'une nouvelle tranche d'aide, que sur le Portugal ou l'Irlande, les deux autres pays renfloués en contrepartie de plans d'austérité.
Mais en coulisses, l'épineux dossier grec a mis en lumière des divergences au sein de ce triumvirat inédit regroupant le Fonds monétaire international, l'Union européenne et la Banque centrale européenne, selon des témoignages recueillis par l'AFP.
En Grèce, "la différence fondamentale entre le FMI et les Européens, c'est que le FMI veut être remboursé (...) alors que les Européens sont plus attentifs aux changements à terme de la Grèce", avance un diplomate européen ayant requis l'anonymat.
Au siège du Fonds, un certain agacement s'est fait jour devant l'ampleur des fonds alloués à la zone euro et aux atermoiements de l'UE, qui rechignerait à prescrire les bons remèdes à des Etats-membres.
Au sein de la troïka, "trop d'importance a été accordée à des facteurs politiques au détriment d'éléments économiques", estime le représentant indien au conseil d'administration du Fonds, Arvind Virmani.
"Il y a une différence d'approche qui peut générer des tensions", ajoute sous couvert de l'anonymat une autre source interne. "Le Fonds est une institution internationale fort éloignée du contexte européen".
Publiquement, le FMI a souvent plus insisté que les Européens sur la nécessité de réduire le poids de la dette du pays. La semaine dernière, le site d'information grec Capital.gr notait que les contrôleurs de la troïka en mission à Athènes devaient encore "se mettre d'accord entre eux".
Enumérant certains désaccords avec l'UE, la patronne du Fonds, Christine Lagarde, avait souligné fin juillet c'était le FMI qui "maintenait le cap" dans les discussions sur la viabilité de la dette grecque.
"Vote de confiance"
Au FMI, la naissance même de la troïka avait bousculé une institution qui, jusque-là, gérait seule ses relations avec ses débiteurs et qui a parfois peiné à s'adapter.
Selon le diplomate européen, l'UE a ainsi été surprise d'apprendre en 2011 qu'Athènes préparait un projet de loi sur "l'Etat stratège". "En fait, c'était le FMI qui l'avait suggéré. Et le FMI et les Européens ne s'étaient pas parlés!", raconte-t-il.
Avant que la Grèce n'appelle à l'aide, Bruxelles voyait d'ailleurs d'un mauvais oeil l'arrivée du FMI.
En mars 2009, le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, estimait qu'il ne serait "pas sage" qu'un pays de l'UE s'adresse au Fonds. Un an plus tard, Jean-Claude Trichet, alors président de la BCE, jugeait cette éventualité "mauvaise".
L'ampleur de l'aide totale accordée à la Grèce - 380 millions d'euros, majoritairement à la charge de l'UE - a balayé ces réserves. Et l'Allemagne, qui traînait des pieds pour aider la Grèce, a exigé la présence du FMI, plus habitué à gérer les plans d'austérité que la Commission.
Depuis, le Fonds n'a pas hésité à tancer l'UE en l'appelant à recapitaliser ses banques ou à renforcer son fonds de secours.
Economiste au Peterson Institute de Washington, Jacob Kierkegaard relativise ces divergences, rappelant que la BCE vient de faire appel au FMI pour superviser son nouveau programme de rachats d'obligations.
"C'était un vote de confiance. La BCE n'aurait pas fait cette demande si elle était mécontente du fonctionnement de la troïka", affirme-t-il.
Contactée, la Commission européenne s'est refusée à tout commentaire.