Le président russe Dmitri Medvedev a jugé vendredi "plus réaliste" que la Russie entre seule dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), affichant ainsi une nette dissonance avec son Premier ministre Vladimir Poutine.
"La première voie est d'entrer en tant qu'union douanière (avec le Bélarus et le Kazakhstan), ce qui serait beau mais assez problématique d'après ce que nous disent nos collègues", a-t-il déclaré devant la presse au sommet du G8 à L'Aquila (Italie).
"On peut aussi se mettre d'accord sur des normes générales au sein de l'union douanière et entrer séparément, ce qui à mes yeux est plus simple et plus réaliste", a-t-il ajouté.
Le 9 juin, M. Poutine avait annoncé que les trois pays allaient parachever leur union douanière et présenter une candidature commune à l'OMC, mettant ainsi un terme à leur long processus d'adhésion individuelle.
Moscou, Astana et Minsk vont informer l'OMC de "l'arrêt du processus d'adhésion (individuelle)" à l'Organisation, avait-il dit. La priorité reste "l'adhésion (...) mais en tant qu'union douanière unie", avait-il ajouté.
Cette annonce avait pris tout le monde de court alors que la Russie négociait d'arrache-pied depuis des années son adhésion et semblait avoir rapproché ses positions de celles des Etats-Unis et l'Union européenne.
Nombre de pays ont alors fait part de leur étonnement devant ce coup de théâtre, déjà perçu en coulisse comme un cafouillage et comme le signe d'un possible couac entre le Kremlin et Vladimir Poutine, qui reste considéré comme l'homme fort de Russie.
Le secrétaire américain au Commerce, Gary Locke, a ainsi estimé mercredi à Moscou que ce projet était irréalisable et ne faisait que "retarder" une adhésion de la Russie, dernière puissance économique à ne pas figurer au saint des saints du commerce mondial.
"La décision est prise, et nous allons synchroniser nos actions avec le Kazakhstan et le Bélarus", lui avait alors répondu la ministre du Développement économique, Elvira Nabioullina, réaffirmant l'intérêt de Moscou pour une adhésion en trio.
Dmitri Medvedev semble avoir de nouveau inversé la vapeur en exprimant clairement sa préférence pour le scénario de l'adhésion individuelle, même s'il n'a rien exclu et s'est efforcé de ne pas désavouer son Premier ministre et mentor.
Pour la première fois depuis son arrivée au Kremlin en mai 2008, il n'en manifeste pas moins un désaccord public avec Vladimir Poutine, alors que le tandem est scruté de près par les observateurs, à l'affût du moindre tiraillement.
Jusqu'ici, M. Medvedev s'était contenté de critiquer une ou deux fois publiquement la politique économique du gouvernement et de manifester un plus grand souci de l'Etat de droit, même si l'ouverture est restée très timide en la matière.
Chef du parti Russie unie au pouvoir, ancien des services secrets (KGB), Vladimir Poutine a conservé de puissants relais à tous les échelons, politiques, économiques et de sécurité, de la société russe.
Il ne manque pas non plus à l'occasion de rappeler, de coups de gueule en petites phrases assassines, qu'il n'a rien perdu de son autorité et de son style musclé.
Pour autant, le tandem n'a jamais donné l'impression de tanguer.
"Par moments, Poutine donne des coups de menton", commentait récemment un diplomate occidental à propos de l'OMC. "Mais sur les points fondamentaux, le tandem fonctionne", ajoutait-il.
"L'essentiel c'est le pouvoir, tenir les provinces, garder l'influence sur l'étranger proche (ex-URSS) et là-dessus, Medvedev et Poutine sont d'accord", estime-t-il.