A quatre semaines de son adhésion à l'Union européenne, alors que la Croatie se prépare à franchir cette étape "historique", nombre de Croates pâtissent des graves difficultés économiques auxquelles est confrontée cette ex-république yougoslave.
La crise économique et les mesures d'austérité adoptées ont considérablement affaibli le gouvernement de centre-gauche, au pouvoir depuis la fin 2011.
Les sociaux-démocrates risquent ainsi de perdre, au deuxième tour des municipales de dimanche, la capitale Zagreb qu'ils contrôlaient depuis 2000.
Dans la nuit de 30 juin au 1er juillet, les feux d'artifice illumineront le ciel de Zagreb et d'autres villes croates. Des dirigeants des 27 pays membres de l'UE et des Balkans sont invités à une cérémonie somptueuse pour célébrer l'aboutissement d'un processus d'intégration qui a duré dix ans.
"Le 1er juillet marque la fin d'un long voyage", a déclaré à l'AFP l'ancien président croate, Stipe Mesic (2000-2010), qui a joué un rôle crucial dans le rapprochement de son pays avec l'UE.
"Nous nous sommes définitivement éloignés du nationalisme borné qui avait marqué les premières années de notre indépendance et avons adopté les normes européennes", a-t-il ajouté.
L'adhésion à l'UE avait été l'objectif de l'élite politique croate dès la proclamation de l'indépendance de l'ex-Yougoslavie en 1991, mais la politique nationaliste de son premier président Franjo Tudjman, décédé en 1999, avait condamné ce pays balkanique à l'isolement international pendant plusieurs années.
La Croatie avait officiellement remis sa candidature à l'adhésion en 2003, pour entamer les négociations d'adhésion deux années plus tard.
Avec les turbulences que traverse actuellement l'UE, certains pays membres évoquant même leur départ du bloc, le succès croate a perdu son éclat.
"Indépendamment du résultat des grands débats, les Croates vont partager le destin de cette union et je me réjouis", dit Ines Sabalic, correspondante à Bruxelles d'un hebdomadaire local durant les négociations d'adhésion.
Au référendum sur l'adhésion organisé en 2012, 66% des personnes ont voté en faveur de l'intégration, mais le taux de participation n'a été que de 43%.
La Croatie sera la deuxième des six ex-républiques yougoslaves à intégrer l'UE, après la Slovénie (2004).
Une rupture avec les Balkans
Cette adhésion est aussi perçue dans le pays comme une rupture avec les Balkans, déchirés dans les années 1990 par une série de conflits qui ont fait plus de 130.000 morts, dont 20.000 en Croatie.
"Malgré la crise actuelle, l'Europe unie est toujours une zone de prospérité et de paix, et elle reste une société désirable pour tous les petits pays, à l'instar de la Croatie", affirme l'historien Tvrtko Jakovina.
Mais les longues négociations d'adhésion et la crise économique ont réduit au fil des ans le nombre de Croates qui soutiennent cette intégration, un sur deux actuellement.
Sous la pression de Bruxelles, Zagreb a commencé une lutte contre la corruption et a condamné l'ex-Premier ministre, Ivo Sanader (2003-2009), en novembre 2012 à dix ans de prison pour corruption, mais nombre de Croates estiment que le fléau est loin d'être éradiqué dans ce pays appauvri.
Axée sur le tourisme sur sa côte adriatique, l'économie croate n'a pas enregistré de croissance depuis 2009. L'an dernier, le PIB s'est contracté de 2,0%, alors que le taux de chômage est de 21%.
Certains tenteront leur chance dans les pays de l'UE, comme Kristina Skvorc, une secrétaire de 35 ans au chômage depuis un an.
"Je suis frustrée par ma situation. Si une chance d'aller travailler à l'étranger se présente, je partirai", dit-elle.
Le gouvernement espère que l'adhésion va attirer des investisseurs et compte sur une potentielle aide européenne de 11,7 milliards d'euros d'ici à 2020 pour redresser l'économie.
Ce pays de 4,2 millions d'habitants rejoindra l'UE au moment où le bloc des 27 enregistre un taux de chômage de 10,9%, et compte neuf de ses pays membres en récession.
"Malheureusement, la Croatie sera parmi les pays les plus problématiques de l'Union, après la Grèce et l'Espagne", met en garde l'économiste Ljubo Jurcic.