Après le nouveau suicide d'une salariée de France Télécom vendredi, le 23e en un an et demi, le gouvernement, premier actionnaire du groupe, veut tenter d'endiguer le mal-être au travail des employés d'une entreprise en pleine mutation.
Le ministre du Travail, Xavier Darcos, s'est emparé du dossier samedi, au lendemain du suicide d'une jeune femme de 32 ans, qui s'est jetée par la fenêtre de son bureau. Deux jours plus tôt, un autre salarié avait tenté de se tuer en se plantant un couteau dans le ventre en pleine réunion.
"Très préoccupé", M. Darcos rencontrera le PDG de l’entreprise Didier Lombard mardi pour évoquer la situation du groupe, marquée par cette série noire, pour laquelle les syndicats mettent en cause les méthodes de management et les restructurations à outrance.
Le ministre a déjà demandé que l'entreprise ouvre des négociations sur le stress au travail avec les syndicats, une mesure déjà annoncée le 25 août par la direction. La première séance est prévue vendredi.
Il a aussi proposé que le directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle, assiste "à une prochaine réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de France Télécom". La dernière s'est tenue jeudi, au cours de laquelle la direction a promis de suspendre les restructurations jusqu'à fin octobre, et de recruter DRH de proximité et médecins du travail.
M. Darcos "va voir avec le président de France Télécom les moyens d'apporter une aide aide morale, psychologique à l'ensemble du personnel et voir s'il y a des mesures en termes d'organisation du travail qui peuvent permettre d'y mettre un terme", a précisé le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, soulignant qu'il s'agissait d'un "devoir à la fois pour l'entreprise et pour le gouvernement, qui est puissamment actionnaire".
L'Etat détient 26,7% de France Télécom et quelque 70% des agents sont fonctionnaires.
Plusieurs membres du gouvernement sont également montés aux créneaux, comme Christine Lagarde (Economie), qui a demandé la convocation "d'urgence" d'un conseil d'administration de France Télécom.
La ministre est d'autant plus impliquée que son ancien directeur de cabinet, Stéphane Richard, vient d'arriver dans l'entreprise comme directeur général délégué, pour remplacer d'ici deux ans M. Lombard.
Eric Woerth (Fonction publique) a de son côté exhorté France Télécom à prendre le problème "très au sérieux".
"Mieux vaut tard que jamais", a déclaré lundi à l'AFP Sandrine Leroy (FO), qui souhaite que le gouvernement "force la direction à prendre des mesures concrètes": "On espère que c'est pas un effet d'annonce, avec juste une petite tape sur les doigts pour France Télécom".
Pour François Chérèque (CFDT), il faut "tout du moins un moratoire" sur les restructurations et "débattre sur l'organisation de cette entreprise".
"L'Etat doit obliger la direction à revoir l'organisation du travail, qui est la cause du mal-être, et arrêter les restructurations, les mobilités forcées et le management par la pression", a ajouté Dominique Glémas (Sud).
Pour la CGT, "rien de ce qui arrive n’était imprévisible, ce sont les choix stratégiques tournés vers la recherche obsessionnelle du profit qui sont en cause".
La CFTC, qui a demandé avec FO, une commission d'enquête parlementaire sur le sujet, souhaite "que l'on remette de l'humanité dans les services", et la CFE-CGC demande "des pré-retraites à partir de 57 ans", et l'arrêt de la mobilité forcée "à partir de 50 ans".