par François Revilla
MARSEILLE (Reuters) - Le tribunal de commerce de Marseille a prononcé vendredi la cessation de paiement et le placement en redressement judiciaire de la compagnie maritime SNCM, qui dispose d'une période d'observation de six mois pour trouver un repreneur.
L'état de cessation de paiement est effectif depuis que l'actionnaire majoritaire Transdev, coentreprise entre Veolia et la Caisse des dépôts, a réclamé le remboursement de 103 millions d'euros d'avances de trésorerie que la compagnie ne peut payer. Veolia a réclamé de son côté 14 millions.
Le redressement judiciaire de la SNCM devrait s'achever par une cession totale ou partielle de la structure à des tiers, ou par une liquidation, puisque la troisième possibilité, un plan de redressement économique, paraît peu réaliste.
Transdev s'est félicité de la décision, "la seule qui peut permettre de conserver une partie des activités de la SNCM et de sauver un maximum d'emplois", selon un communiqué.
"Cette décision du tribunal de commerce est une décision responsable, qui donne une chance à la SNCM de se construire un nouvel avenir", affirme Jean-Marc Janaillac, PDG de Transdev.
Les syndicats, qui voyaient le placement en redressement judiciaire comme "un pas de plus vers la liquidation" de la Société nationale Corse Méditerranée, ont regretté que la période d'observation s'ouvre dans un contexte sombre.
"La SNCM rentre dans le redressement judiciaire dans les pires conditions sur le financement de la période d'observation, le volet social et la possibilité même de trouver de véritables repreneurs", a déclaré Maurice Perrin, délégué CGC de la SNCM.
"La période d'observation pourrait aboutir à une liquidation à n'importe quel moment faute de financement. Nous allons rappeler François Hollande lui-même à ses responsabilités. Le dossier de la SNCM sera une tache plus noire sur son quinquennat que le dossier de Florange."
UNE DSP NON TRANSMISSIBLE ?
Des propos semblables à ceux de Roland Blum, maire-adjoint de Marseille chargé de l'économie. "Il est désormais temps que le gouvernement assume ses responsabilités et fasse savoir la façon dont il entend sauver cette entreprise", a-t-il dit.
La CGT avait agité avant la décision du tribunal le spectre d'une "catastrophe sociale" sans précédent pour le port de Marseille et le risque d'un embrasement sur les quais.
Le trafic maritime avec la Corse représente en moyenne un quart des activités quotidiennes chez les dockers marseillais, soit 80 à 100 postes sur un total de 360 dockers, pour 1.200 agents au total sur le port de Marseille.
Des actions de protestation pourraient affecter les activités des bassins Est, notamment les croisières, mais aussi celles des bassins Ouest (containers et pétrole).
Le placement en redressement judiciaire semble ouvrir le dernier chapitre de la longue agonie de la SNCM, qui cumule quelque 200 millions d'euros de perte depuis 2001.
Transdev et l'Etat, qui détient 25% de la SNCM, affirment depuis des mois que le redressement judiciaire est l'unique moyen pour empêcher la disparition de la compagnie, toujours sous la menace des condamnations européennes à rembourser 440 millions d'euros d'aides publiques jugées illégales.
La SNCM a déjà reçu le 24 novembre la notification de deux titres exécutoires de l'Office des Transports de la Corse, visant au remboursement de près de 168 millions d'euros sur le service effectué de 2007 à 2013, plus 30 millions d'intérêts.
La SNCM est titulaire avec la compagnie méridionale de Navigation (CMN) de la Délégation de service public (DSP) de continuité territoriale de la Collectivité Territoriale Corse pour la période 2014-2023.
Les syndicats estiment que cette DSP, au coeur de l'activité de la compagnie qui emploie 2.000 personnes dont 1.500 en CDI, ne pourra pas être transmise à un éventuel repreneur dans le cadre d'un redressement judiciaire.
(Avec Gregory Blachier à Paris, édité par Yves Clarisse)