La chancelière Angela Merkel, accompagnée d'entrepreneurs allemands, effectue à partir de dimanche sa septième visite en Chine avec l'objectif de renforcer encore le partenariat stratégique entre les deux grandes puissances exportatrices.
Pour la première économie européenne, la Chine en plein essor est un marché crucial, qui fait notamment la fortune des constructeurs automobiles et fabricants de machine-outils allemands. Pour le pays le plus peuplé du monde, l'Allemagne est un partenaire recherché pour son excellence technologique.
Merkel sera accompagnée dans son voyage par une délégation d'entrepreneurs, issus notamment des états-majors de Siemens (XETRA:SIEGn), Volkswagen, Airbus (PARIS:AIR), Lufthansa (XETRA:LHAG) ou Deutsche Bank (XETRA:DBKGn), a affirmé cette semaine le quotidien allemand Bild.
La composition de la délégation n'a pas été confirmée de source gouvernementale même si l'on indiquait que les entreprises, reçues au Grand palais du peuple à Pékin, espéraient signer des contrats renforçant les liens commerciaux bilatéraux.
La Chine est le premier marché d'exportation de l'Allemagne en Asie, avec 67 milliards d'euros de ventes en 2013. Réciproquement, l'Allemagne est le premier marché de la Chine en Europe, avec des importations totalisant 73 milliards l'an dernier.
"Au cours de la dernière décennie, les exportations allemandes vers la Chine ont connu une croissance exponentielle", a constaté pour l'AFP Hans Kundnani, directeur de recherche au European council on foreign relations (ECFR), un centre de réflexion.
"Le grand tournant a été la crise financière de 2008-2009 et la crise de l'euro qui a suivi lorsque certains marchés européens de l'Allemagne se sont effondrés et... que le marché chinois a pris encore plus d'importance", a-t-il expliqué, estimant qu'aujourd'hui, "il y a presque une symbiose parfaite: l'Allemagne a besoin d'un marché pour ses exportations et la Chine a besoin de savoir-faire technologique".
Lors de ses précédents voyages, Mme Merkel a clairement montré qu'elle était impressionnée par les transformations de la Chine. Et elle perd rarement une occasion de rappeler que, face à de tels géants démographiques, l'Europe en crise, si elle souhaite survivre, devra se réformer.
Le Premier ministre chinois Li Keqiang recevra lundi la chancelière avec les honneurs militaires, un protocole en général réservé aux chefs d'Etats alors que Mme Merkel n'est que chef de gouvernement.
- 160 entreprises allemandes à Chengdu -
Sa rencontre avec le président Xi Jinping sera son deuxième rendez-vous de l'année avec lui, avant qu'elle ne le revoie encore en octobre pour un conseil des ministres conjoint à Berlin. Pour la Chine, ce format de relation n'existe qu'avec l'Allemagne.
Le voyage débute dimanche par Chengdu, capitale de la province du Sichuan (sud-ouest) peuplée de 80 millions d'habitants, soit l'équivalent de la population allemande.
Dans la ville, qui compte à elle seule 14 millions d'habitants et où 160 entreprises allemandes sont installées, elle doit visiter une usine de la coentreprise lancée par le constructeur automobile Volkswagen (XETRA:VOWG) et son partenaire local FAW, assister à un forum sur l'urbanisation et se rendre dans un centre social qui s'occupe des enfants de travailleurs migrants venus s'établir à Chengdu.
Lors d'un conseil économique commun, organisé à Pékin, l'Allemagne devrait insister sur deux points de friction entre les deux pays, à savoir l'accès équitable aux marchés chinois pour les entreprises étrangères et le respect des droits de propriété intellectuelle.
Le délicat dossier des Droits de l'Homme devrait être évoqué loin des regards, une approche que les responsables allemands considèrent plus efficace que de pointer la Chine du doigt.
Les pierres d'achoppement à ce sujet ne manquent pas, à commencer par l'exposition berlinoise en cours consacrée à l'artiste et dissident chinois Ai Weiwei, la plus grande jamais organisée, et à laquelle il n'a lui-même pas pu se rendre, en raison d'une interdiction de Pékin.
Selon M. Kundnani, Mme Merkel qui avait irrité les Chinois en rencontrant le dalaï lama en 2007, ne va cependant pas prendre le risque d'indisposer ses partenaires sur cette question. "De mon point de vue, les droits de l'Homme sont de plus en plus subordonnés aux intérêts économiques de l'Allemagne", a-t-il estimé alors que le pays, "du fait de son partenariat économique, est sans doute le pays de l'Union européenne le plus à même de faire pression sur la Chine".
Les frictions territoriales entre la Chine et ses voisins du Vietnam ou du Japon, de même que les tensions avec les Etats-Unis ou les récentes manifestations en faveur de la démocratie à Hong-Kong ne devraient pas, en outre, simplifier la donne.
"Nous avons eu une décennie en or pour les relations bilatérales mais nous entrons désormais dans des eaux plus troubles", a jugé Sebastian Heilmann, directeur de l'Institut Mercator d'études chinoises, basé à Berlin.