La très probable hausse mercredi des taux d'intérêt aux Etats-Unis, largement attendue par les marchés, n'aura qu'un impact minime sur les consommateurs américains mais pourrait davantage affecter les économies à l'étranger, estiment les économistes.
La Réserve fédérale (Fed) devrait relever mercredi d'un quart de point de pourcentage les taux d'intérêt au jour le jour, à l'issue d'une réunion monétaire de deux jours, affirment les économistes, quasi-unanimes. Ce sera la première hausse des taux depuis un an et la deuxième seulement en une décennie.
Pour les consommateurs américains, ce renchérissement minime du coût du crédit, qui reste historiquement bas, ne devrait guère freiner la dynamique des dépenses et des investissements immobiliers, estiment les analystes.
"L'impact ne va pas être dramatique. Cela va relever le coût des emprunts à taux variables comme les cartes de crédit ou certains crédits immobiliers", admet Robert Hughes, économiste à l'American Institute for Economic Research (AIER). Mais il souligne que la part des prêts au logement à taux variable s'est vraiment réduite depuis l'éclatement de la bulle immobilière, les emprunteurs ayant depuis renégocié leurs prêts pour des taux fixes.
Le tour de vis de la Fed a en outre été anticipé par les marchés qui expriment déjà la modeste hausse des taux dans leurs modèles, que ce soit sur le marché obligataire ou au niveau des emprunts immobiliers, relève Joe Gagnon du Peterson Institute for International Economics (PIIE). "Je pense que le marché hypothécaire a déjà pleinement répercuté la hausse des taux donc je ne crois pas qu'elle ait un effet sur les taux d'emprunts", assure cet économiste.
Dans le sillage de l'élection surprise du républicain populiste Donald Trump et des perspectives d'une relance budgétaire massive, le rendement des bons du Trésor a grimpé d'un quart de point et les taux du prêt immobilier à 30 ans, référence aux Etats-Unis, a augmenté légèrement aussi pour se situer en moyenne à 4%, son plus haut niveau depuis juillet 2015, selon la Mortgage Banking Association.
Comme le résume Jim Glassman, directeur chez JP Morgan Chase: "que la Fed lève son pied de la pédale d'accélérateur" en réduisant la masse monétaire par un resserrement des taux "ne va pas faire dérailler l'économie américaine".
Pour Joe Gagnon du PIIE, l'incidence d'un renchérissement du crédit va aussi être compensée aux Etats-Unis par les mesures de relance, si elles se concrétisent: "les réductions d'impôts vont donner de l'argent aux ménages pour acheter un logement même si les taux montent", promet-il.
- Craintes pour les flux de capitaux-
A l'étranger, l'impact de la politique monétaire de la banque centrale la plus puissante du monde risque d'être plus délicat. Certains craignent même une réédition du "taper tantrum" lorsqu'en 2013, Ben Bernanke, alors patron de la Fed, avait annoncé une réduction progressive des achats d'actifs et donc du soutien monétaire. Les flux de capitaux avaient fui les économies émergentes pour se rapatrier sur le dollar aux perspectives plus rémunératrices, provoquant des dévaluations en série.
Déjà en novembre, les investisseurs étrangers ont retiré près de 25 milliards de dollars de fonds des économies émergentes, principalement placés en obligations, selon l'Institute of International Finance (IIF). C'est le plus fort exode de capitaux depuis juin 2013.
"Anticipant des mesures de relance et un resserrement monétaire, il y a déjà eu des ventes d'actions et d'obligations en Asie par les étrangers en novembre", a noté Bejoy Das Gupta, économiste pour cette région à l'IIF. "A l'avenir, les changements dans la politique américaine risquent de provoquer une volatilité chronique sur les marchés financiers de la région", ajoute-t-il.
Le renforcement du billet vert va aussi peser sur les économies qui doivent rembourser leur dette libellée en dollars.
"Le dollar plus fort va devenir un problème pour les pays étrangers qui ont d'importants montants de leur dette souveraine libellés en dollars", reconnaît Robert Hughes.
Certains sont plus optimistes, comme les économiques de Barclays (LON:BARC) Research, qui ne croient "pas à une réaction des économies émergentes à moins que le Comité monétaire de la Fed ne change sa rhétorique sur les taux" et cesse de répéter qu'il est favorable à des hausses graduelles pour adopter un ton plus brutal.