Série de défauts, incompréhensions, mais surtout impréparation : les critiques pleuvent en Finlande sur le retard du chantier du premier réacteur nucléaire de troisième génération au monde, l'EPR d'Olkiluoto (sud-ouest), qui devait initialement être mis en service cet été.
Avec des retards d'au moins trois ans, l'autorité nucléaire finlandaise ainsi que l'acquéreur de la centrale, le groupe d'énergie finlandais TVO, ne cachent plus leurs critiques à l'encontre du consortium Areva-Siemens, maître d'oeuvre du chantier nucléaire, le premier en Europe depuis Tchernobyl.
"Ils (Areva) ont commencé à faire des plans lorsqu'ils ont remporté le contrat, ce qui était évidemment trop tard. Ils auraient dû consacrer deux ans à la préparation", estime le directeur général de l'autorité de sûreté nucléaire finlandaise (STUK), Jukka Läksonen.
Selon lui, au manque de préparation du contrat, signé en décembre 2003, se sont ajoutés des problèmes d'adaptation d'Areva aux réglementations locales.
"Les Français n'ont pas compris au début le système finlandais, qui prévoit qu'aucun élément important ne peut être construit avant que le plan ne soit approuvé", dénonce M. Läksonen.
La qualité du béton et des soudures ont notamment été critiquées par la STUK depuis le début des travaux, mais pour Areva, l'exigence de l'autorité nucléaire est aussi en cause.
"Je ne peux pas nier qu'en tant qu'autorité ils peuvent critiquer, mais les autorités ne sont jamais satisfaites par la sécurité", avance le directeur opérationnel d'Areva en Finlande, Osmo Kaipainen.
TVO a aussi mis trop de temps à transmettre les documents d'Areva-Siemens pour obtenir le feu vert de l'autorité à chaque nouvelle phase de la construction, plaide-t-il.
Mais pour TVO, qui a commandé la centrale pour un montant initialement estimé à 3 milliards d'euros, Areva et Siemens ont consacré "significativement plus de temps à la préparation" que ce qui était prévu au contrat.
La construction du nouveau réacteur, qui emploie actuellement près de 4.000 personnes, avait débuté en 2005 et dès janvier 2006 il a été annoncé que le chantier n'avançait pas aussi vite que prévu.
En janvier dernier, Areva et TVO ont annoncé que l'inauguration était repoussée à juin 2012, soit la même année que la mise en service annoncée du réacteur EPR de Flamanville, construit par EDF dans le nord-ouest de la France.
"De notre point de vue, le maître d'oeuvre doit assurer que la préparation et la construction se fassent conformément au calendrier annoncé", avance le chef de projet de TVO, Jouni Silvennoinen.
Le conflit entre TVO, Areva et Siemens, qui se réclament des milliards d'euros d'indemnités de compensations en se rejetant la responsabilité des retards, fait désormais l'objet d'un arbitrage devant la cour de la Chambre internationale de commerce, basée à Paris.
L'EPR finlandais, la première centrale nucléaire commandée en Europe depuis l'accident de Tchernobyl en 1986, devait marquer, selon les termes d'Areva, "une renaissance de l'industrie nucléaire", relancée par la hausse des prix des hydrocarbures et la chasse aux émissions de CO2.
Bâti près de la mer Baltique, il fait aussi l'objet des critiques des associations écologistes, en premier lieu Greenpeace, qui considère que le réacteur est un prototype et qu'il est dangereux parce qu'il n'a jamais été testé.
Le gouvernement finlandais doit annoncer début 2010 s'il autorise la construction d'un nouveau réacteur nucléaire, pour lequel trois groupes d'énergie, dont TVO, ont déposé un dossier, ouvrant la voie à un possible deuxième EPR finlandais pour Areva.
"Aucun autre réacteur ne sera construit plus vite en Finlande qu'une copie identique d'Olkiluoto", plaide déjà M. Kaipanen.