A Rennes, Metz ou Nantes, des "gilets jaunes" et militants syndicaux ont défilé côte à côte, décidés à ne pas laisser la fête des travailleurs gâchée par les violences et à en faire un jour de convergence, plutôt que de concurrence des luttes. Mais à Paris, les deux camps ont fini par s'invectiver et en venir aux mains.
"Ici, y a des drapeaux rouges, des drapeaux jaunes, des drapeaux verts. Ces manifestations, déclarées ou pas, sont légitimes", s'époumone, juché sur le camion de la CGT à Caen, le slameur Yoann Leforestier, gilet jaune sur le dos.
A Paris, le défilé du 1er mai a bien failli tourner court avant même le démarrage de la manifestation. Comme un symbole, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a dû être exfiltré après avoir été pris dans des affrontements entre "black blocs" et forces de l'ordre.
Pas question de dresser les rouges contre les jaunes: le leader syndical a rejeté la responsabilité des violences sur le préfet de police et le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.
"Ceux qui ont essayé de nous voler le 1er mai, ce ne sont ni les +gilets jaunes+, ni ceux qu'on appelle les radicaux, mais c'est le gouvernement, en mettant cette pression policière aussi folle", a accusé de son côté Eric Beynel, porte-parole de Solidaires.
Un point de vue partagé par les militants syndicaux qui battaient le pavé parisien, depuis Montparnasse jusqu'à la place d'Italie.
Mais à la fin de la journée, des tensions sont apparues, puisque des "gilets jaunes" et des militants CGT en sont venus brièvement aux mains à l'arrivée du cortège parisien. "Je gagne 1.200 euros par mois, je suis comme toi", a lancé un syndicaliste CGT à un manifestant affublé d'un gilet jaune, qui l'invectivait.
Ailleurs en France, des cortèges bigarrés ont défilé globalement dans le calme, comme à Metz où "gilets jaunes" et badges syndicaux ont fait bon ménage.
"Au début, on se méfiait des +gilets jaunes+, mais on a très vite travaillé avec eux. Ce mouvement nous a permis d'obtenir des avancées, certes mesurées, mais il ne faut pas le sous-estimer", a reconnu Sébastien Hesse, de la CGT Moselle.
"On a de plus en plus de soutiens depuis les dernières annonces de Macron, les gens se rendent compte que c'est grâce à nous", a renchéri Fabrice, "gilet jaune" de 64 ans, pour qui ce 1er mai est l'occasion de réaliser la "convergence des luttes".
- Crainte d'être récupéré -
Christian, "gilet jaune" lillois, ne dit pas autre chose. "Le 1er mai symbolise la révolution, davantage de justice sociale, plus d'égalité. Tout le monde devrait être dans la rue pour le commémorer et pas forcément manifester pour quelque chose".
Mais des "gilets jaunes" ne cachaient pas leur crainte de se faire voler leur mouvement.
Comme Pierre, à Nantes : "J'aurais préféré que les +gilets jaunes+ manifestent à part pour éviter d'être récupérés, car au départ on est apolitique, on a tous des points de vue différents", a confié ce retraité de 67 ans, bandeau jaune ceignant le front et brins de muguet à la boutonnière qui a défilé sous escorte du service d'ordre de la CGT.
A Toulouse, le vert était aussi de la partie. "On n'était pas d'accord sur tout au début, mais les +gilets jaunes+ et nous avons compris que seule la convergence de nos luttes pouvait nous faire avancer pour une justice sociale et écologique", expliquait Bérengère Doerler, une militante écolo qui tenait une pancarte "Gilet vert, gilet jaune même combat".
Pour Christian, 52 ans, l'union est une nécessité: "face à cette politique antisociale qui est en train de casser la société, c'est l'union des gens ordinaires qui va changer les choses", veut croire ce manifestant à Rennes.
Mais pour Maxime Nicolle, pas question de faire confiance aux syndicats. Non seulement ils "représentent moins de 10% de la masse salariale", mais "à chaque fois qu'il y a de l'intérêt personnel, ils négocient" et "s'en vont". Or "c'est pas ça qu'on veut, c'est un changement profond de système", a dit à l'AFP cette figure des "gilets jaunes", qui défilait dans le cortège parisien.