L'Irak octroie cette semaine l'exploitation de ses plus grands champs pétroliers aux compagnies étrangères, une initiative inédite depuis 37 ans qui devrait offrir une manne financière indispensable à sa reconstruction.
Initialement prévue lundi et mardi, la réunion a été reportée d'un jour à cause d'une très forte tempête de sable qui a entraîné la fermeture de l'aéroport de Bagdad.
"A cause du mauvais temps, qui a empêché les représentants des compagnies pétrolières et les journalistes d'atterrir dimanche à Bagdad, nous avons décidé de reporter d'un jour la réunion qui aura lieu mardi et se poursuivra mercredi si nécessaire", a affirmé le porte-parole du ministère du Pétrole, Assem Jihad.
L'Irak choisira parmi 31 sociétés pétrolières, dont des majors occidentales, ayant répondu aux appels d'offres, celles qui exploiteront six champs géants, dans le sud et le nord du pays, aux réserves estimées à environ 43 milliards de barils.
Les contrats d'exploitation de deux champs gaziers, à l'ouest et au nord-est de Bagdad, seront également attribués.
"Les contrats devront ensuite être approuvés par le Conseil des ministres mais ne doivent pas être présentés au Parlement", souligne le ministre du Pétrole Hussein Chahristani, dont l'objectif est de porter la production de 2,4 millions de barils/jour à plus de 4 millions sur cinq ans.
L'augmentation de la production aidera l'Irak à dégager au minimum 1.700 milliards de dollars lors des 20 prochaines années, qui financeront la reconstruction d'un pays ravagé par trente ans de guerres et d'embargo international. Selon le ministre, seulement 30 milliards de dollars reviendront aux compagnies choisies et le pays resterait maître de ses réserves.
Pour les compagnies pétrolières, cet appel d'offres est une occasion de reprendre pied en Irak, depuis la nationalisation de l'Iraq Petroleum Company en 1972.
"A cause des sanctions et des guerres, aucune compagnie ne voulait ou ne pouvait investir. Aujourd'hui, le pays se stabilise, tant sur le plan de la sécurité que des institutions", explique Ruba Husari, experte du pétrole et fondatrice du site www.iraqoilforum.com. "C'est l'un des rares pays au monde où il existera dans les prochaines décennies une vraie croissance de production. C'est une opportunité rare", poursuit un spécialiste du dossier impliqué dans les négociations, sous couvert de l'anonymat.
Les géants du pétrole ne sont toutefois pas satisfaits des termes du contrat. Les gagnants devront en effet s'associer avec les sociétés irakiennes publiques, principalement la South Oil Company (SOC), et partager la gestion des champs alors qu'ils financent leur développement à 100%. Ils seront par ailleurs rémunérés sur la base d'un montant fixe par baril, uniquement après avoir atteint un seuil de production fixé par le gouvernement.
Mais, estime le spécialiste, les sociétés étrangères ne peuvent se permettre de faire l'impasse car l'Irak doit octroyer des licences d'exploitation pour 16 autres champs non-développés début 2010.
Furieux de perdre le contrôle des champs, les responsables des sociétés locales, la SOC en tête, ont lancé une fronde contre M. Chahristani. Ils assurent pouvoir atteindre les mêmes objectifs que les compagnies étrangères et en moins de temps.
"Les champs concernés représentent 85% de la production actuelle et 50% des réserves. Une perte de leur contrôle représenterait la mort des sociétés nationales", craint le directeur général de la SOC, Fayadh Hassan Nima.