Le numéro un mondial des logiciels professionnels, le groupe allemand SAP, a débarqué lundi par surprise son impopulaire patron Leo Apotheker dans l'espoir de retrouver la confiance de ses clients et de ses salariés.
Cette démission à effet immédiat annoncée dans la nuit de dimanche à lundi a reçu un accueil glacial à la Bourse de Francfort: le titre de l'éditeur de progiciel chutait de 2,10% à 32,68 euros à la Bourse de Francfort vers 14H50 GMT, bon dernier d'un indice vedette Dax en hausse de 0,52%.
M. Apotheker, 56 ans, était sous le feu des critiques en raison d'une inflation des tarifs de maintenance et de services, qui avait provoqué l'ire des clients. SAP a d'ailleurs dû faire marche arrière en janvier.
"Nous avons fait une erreur et nous avons dû changer de cap afin de retrouver la confiance de nos clients", a expliqué le président du conseil de surveillance Hasso Plattner, l'un des fondateurs du groupe, lors d'une conférence téléphonique. Et le président du directoire doit payer le prix, que cela soit "considéré comme juste ou injuste", a-t-il ajouté.
"Il n'y avait aucune différence de stratégie entre moi et Leo", a-t-il assuré.
M. Apotheker, qui dirigeait seul le groupe depuis avril 2009 et y travaillait depuis plus de vingt ans, va être remplacé par deux membres du directoire: l'Américain Bill McDermott, 48 ans, responsable du marketing entré dans le groupe il y a 8 ans, et le directeur du développement danois Jim Hagemann Snabe, 45 ans dont 20 passés chez SAP.
L'entreprise de Walldorf (ouest) retrouve ainsi une présidence bicéphale. Et pour la première fois de l'histoire de ce groupe fondé en 1972 par cinq transfuges d'IBM, deux étrangers tiendront désormais le gouvernail.
Outre la montée de ses tarifs, le spécialiste des logiciels de gestion du personnel, de fichiers fournisseurs ou de fichiers clients était aussi accusé de lancer des produits toujours plus complexes.
SAP espère désormais "rapprocher les innovations produits des exigences de la clientèle", a expliqué M. Plattner.
Leo Apotheker était aussi très critiqué en interne pour son style "raide et direct" et la suppression l'an dernier de 3.000 emplois. Ce premier plan social de l'histoire du groupe a permis d'augmenter les marges et réduire les coûts, mais il a coûté cher en terme d'image.
"Leo Apotheker n'a jamais eu le personnel derrière lui", résumait lundi une source proche de l'entreprise. Un aspect qui a pesé dans la décision de l'évincer.
"Nous savons ce que les salariés et les clients disaient de SAP. Et maintenant, nous tournons la page", a dit M. Plattner.
"Nous allons faire tout notre possible pour que SAP redevienne une entreprise heureuse", a-t-il promis.
Le contexte n'aura pas été favorable à Leo Apotheker, arrivé en pleine crise mondiale et au moment où l'américain Oracle, numéro deux mondial, ne cesse de grignoter des parts de marché.
En 2009, le chiffre d'affaires de SAP a reculé de 9% (à 10,66 milliards d'euros). La crise a fait fondre les revenus tirés des ventes de nouvelles licences (-28%), l'un des piliers de l'activité du groupe.
Hasso Plattner s'est dit "très optimiste quant au fait que 2010 sera une bonne année".
Certains analystes s'inquiétaient du remplacement de M. Apotheker par deux quasi-inconnus, experts du développement des produits, ce qui fait craindre à certains opérateurs une montée future des coûts de recherche et développement. Pour Theo Kitz, analyste chez Merck Finck, le format d'une coprésidence risque en outre de "ralentir le processus de décision".