Syndicats et direction de Carrefour (PA:CARR) se retrouvent jeudi pour négocier l'ouverture dominicale des hypermarchés du groupe, une mini-révolution qui ferait sauter un verrou vieux de 17 ans.
Avançant des raisons économiques face à la concurrence, selon les syndicats, Carrefour a annoncé fin octobre sa volonté de mettre le sujet sur la table. Il remet ainsi en cause un accord d'entreprise de 1999 qui, à la différence de concurrents comme Auchan ou Casino, verrouillait les ouvertures dominicales, exception faite des dimanches dits "du maire".
"Aujourd'hui, la société évolue, les clients sont demandeurs" de pouvoir faire leurs courses le dimanche matin, fait valoir la direction des hypermarchés Carrefour pour expliquer cette décision.
"La loi autorise les magasins à prédominance alimentaire à ouvrir le dimanche matin jusqu'à 13H00", rappelle aussi l'enseigne. "On négocie sur les modalités de mise en oeuvre de cette loi", ajoute-t-elle.
Mais le calendrier de la négociation fâche. "On nous a bombardé trois dates sur trois semaines", entre le 18 novembre et le 8 décembre, pour une "pièce écrite d'avance", s'étrangle Franck Gaulin (CGT). "Trois réunions, vu l'ampleur du sujet! On sent que l'entreprise veut passer en force", renchérit Sylvain Macé (CFDT), pour qui le sujet "mériterait trois à quatre mois" de discussions. Plus accommodant, FO, premier syndicat au sein du distributeur, juge aussi malgré tout le délai "un peu court".
Au-delà, les syndicats protestent ou s'interrogent sur la stratégie de l'entreprise et sur les conséquences pour les salariés et l'organisation du travail. Car l'accord, s'il est conclu, s'étendra aux 191 hypermarchés Carrefour SAS, représentant quelque 60.000 salariés, même si l'enseigne n'entend pas forcément ouvrir tous ses hypermarchés tous les dimanches matins.
Ouvrir le dimanche matin, cela va se faire pour les salariés "au détriment de la vie de famille", "c'est un choix de société", tempête la CGT qui avait appelé à une journée de mobilisation le 3 décembre pour protester contre cette volonté de "généraliser le travail" dominical.
- "Stratégie de dérégulation" -
"On refuse la stratégie de dérégulation de l'entreprise (...) qui va entraîner toute la concurrence", dit la CFDT, vent debout contre la "banalisation" de l'ouverture des hypermarchés le dimanche. Elle demande à la direction, en vain pour le moment, de donner "une liste réduite" des magasins qui devraient ouvrir "pour des raisons économiques ou concurrentielles". "On a aussi lancé une grande consultation des salariés, avec déjà plus de 5.000" retours, poursuit Sylvain Macé.
Quant à FO, bien que le syndicat dise qu'il n'est "pas favorable au travail dominical", il ne voit pas comment, face à la concurrence, Carrefour pourra "être la seule" enseigne à rester fermée, explique son représentant Michel Enguelz. Pour autant, FO veut que soient stipulés dans l'accord les "critères" économiques et commerciaux justifiant les ouvertures et, surtout, qu'"on ne demande pas aux salariés qui travaillent déjà la semaine de venir travailler le dimanche".
L'idée serait de recourir à des équipes dédiées pour les samedis et dimanches, avec des recrutements et sur la base du volontariat. Mais la direction "ne s'engage pas sur les embauches, rien n'est écrit", souligne Franck Gaulin. Le représentant CGT ironise aussi sur le "+volontariat+ du personnel qui travaille en CDD, des étudiants ou des salariés CDI payés 1.200 euros".
Dans le commerce à prédominance alimentaire, la loi Macron d'août 2015 prévoit une majoration salariale minimum de 30% le dimanche matin pour les surfaces de vente supérieures à 400 m2. La dernière proposition de Carrefour porte sur une majoration de 70%, avec l'obligation de s'engager pour un certain nombre de dimanches, selon FO.