Confrontée à un conflit armé dans l'Est séparatiste prorusse, l'Ukraine est engagée parallèlement sur autre front: la restructuration de sa dette, vitale au redressement de son économie en plein marasme.
Le gouvernement ukrainien doit des milliards de dollars à divers investisseurs, basés notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Et aussi à la Russie, qu'il accuse de soutenir les rebelles dans l'Est.
Mais l'économie du pays est exsangue après plus de deux ans de récession qui a tourné à l'effondrement financier avec le sanglant conflit armé (plus de 6.000 morts en un an).
Le Fonds monétaire international (FMI) a accordé en mars un nouveau soutien financier à l'Ukraine de 17,5 milliards de dollars sur quatre ans, qui doit servir de socle à un programme de soutien de 40 milliards de la communauté internationale.
En plus de l'apport de pays donateurs, les créanciers privés de l'Ukraine doivent y contribuer à hauteur de 15 milliards de dollars via cette fameuse restructuration de dette.
"Si l'opération sur la dette échoue, l'Ukraine va perdre une grande partie du paquet", prévient Kostiantyn Koutcherenko, de la société d'investissement Dragon Capital à Kiev.
"Les fonds que les autres donateurs, multilatéraux et bilatéraux, fournissent ne seront pas suffisants pour maintenir l'économie ukrainienne sur les rails durant les quatre prochaines années", ajoute-t-il.
Le FMI a déjà versé mi-mars une première tranche de 5 milliards de dollars à l'Ukraine et l'organisation doit décider en juin si elle versera la prochaine tranche. En échange de cette aide, Kiev est non seulement censé mener à bien des réformes mais aussi trouver un accord avec ses créanciers.
"Le gouvernement veut tout finaliser d'ici juin. Cela ne va pas être facile", prévient M. Koutcherenko.
Parmi ses principaux créanciers se trouvent cinq sociétés d'investissements américaines, au premier rang desquelles le fonds américain Franklin Templeton, appelées à renoncer à une partie de leur mise.
La semaine dernière, la ministre ukrainienne des Finances Natalie Jaresko, en visite à Washington a tenté de mettre la pression.
"Ils ne comprennent pas la profondeur de la détresse économico-financière dans laquelle se trouve le pays", a-t-elle dit, citée par le Wall Street Journal.
Son ministère a d'ailleurs précisé qu'il "n'était pas d'accord" avec certaines contre-propositions de ces cinq créanciers, qui détiennent pour 10 milliards de dollars de dette ukrainienne.
- Dette envers la Russie -
"La plupart des créanciers, et le FMI et l'Union européenne, vont faire tout ce qu'ils peuvent pour aider l'Ukraine à s'en sortir. Mais la Russie c'est une autre histoire. Elle veut être entièrement remboursée", relève de son côté Liza Ermolenko, du cabinet londonien Capital Economics.
Car la Russie a prêté en 2013 trois milliards de dollars à Kiev, somme qu'elle est censée recouvrer d'ici décembre et qu'elle refuse de renégocier.
Moscou ne participe d'ailleurs pas aux tractations actuelles sur la dette. Et des analystes y voient un moyen de pression sur l'Ukraine dans le conflit qui l'oppose aux séparatistes prorusses dans l'Est.
Mme Jaresko a cependant dit espérer parvenir à un accord avec les créanciers avant la visite des inspecteurs du FMI prévue fin mai à Kiev.
Conformément à ses engagements envers ses créanciers, Kiev, depuis l'obtention de la première tranche du crédit, a notamment créé un nouvel organisme anti-corruption et a lancé une réforme de son secteur bancaire.
Mais son économie est à bout de souffle entre une inflation galopante et une chute vertigineuse de la hryvnia, dont la valeur en dollar a été divisée par trois en un peu plus d'un an.
Sa dette publique (70 milliards de dollars en 2014) a de plus explosé cette année. En 2015, elle devrait atteindre 94% du PIB contre 40,6% en 2013, selon les estimations du FMI.
Dans ces conditions, la grande question est désormais de savoir si le défaut de l'Ukraine sur sa dette sera "ordonné", soit négocié avec les créanciers, ou "désordonné", ce qui signifierait une cessation de paiement de ses créanciers, estime Mme Ermolenko.
Dans le second cas, prévient l'analyste: "l'Ukraine sera exclue des marchés financiers internationaux pour un certain temps, ce qui entraînera une récession encore plus longue".