Le bras de fer s'est poursuivi mardi entre les salariés de la Scop SeaFrance, exploitante de la compagnie maritime MyFerryLink, et le propriétaire de leurs bateaux, Eurotunnel, avec deux heures de blocage par les marins de l'accès au tunnel sous la Manche, qui a causé de fortes perturbations.
"Aujourd'hui c'est bon, on arrête", a asséné le secrétaire général du Syndicat maritime Nord (SMN), Eric Vercoutre, aux plus de 300 marins présents, selon le SMN, signifiant que dans l'immédiat, la grève et le blocage du port de Calais étaient levés, comme le leur avait expressément demandé le gouvernement la veille.
Les rotations des bateaux de DFDS entre Calais et Douvres, permises depuis mardi midi, se poursuivaient normalement mardi soir, selon un correspondant de l'AFP.
Pendant plus de deux heures, vacanciers et routiers sont restés sur la rocade d'accès au tunnel bloquée par les marins, qui avaient mis le feu à des tas de pneus dégageant une épaisse fumée noire s'échappant vers le centre de Calais, sous le regard de nombreux migrants au bord de la route, avant que l'action ne prenne fin vers 13H00.
L'action des marins a également semé la pagaille dans Calais, où une grosse partie du trafic avait été dévié en centre-ville.
Les marins de la Scop s'étaient réunis dans la matinée en assemblée générale pour discuter des actions à envisager au lendemain d'une réunion au ministère des Transports entre les différentes parties du dossier MyFerryLink. Elle s'est terminée sans résultats concrets malgré "quelques avancées", selon Eric Vercoutre.
- 'Aucune contrepartie!' -
Une nouvelle réunion est prévue mercredi à Paris, alors que la nature du contrat passé entre Eurotunnel et DFDS suscite interrogations et questionnements.
"Le gouvernement nous a demandé un geste fort en autorisant DFDS à accéder de nouveau au port, ce que nous avons fait. Mais nous n'avons eu aucune contrepartie!", s'exclame Eric Vercoutre auprès de l'AFP.
L'opération coup de poing de ce mardi avait pour but de mettre davantage la pression sur Eurotunnel et "montrer qu'on est toujours là. Tout le monde doit faire des efforts", estime-t-il.
Selon Bruno Landy, président du conseil de surveillance de la Scop, ce nouveau blocage visait à protester contre le refus d'Eurotunnel d'honorer des créances à l'égard de la Scop, à hauteur de 6,2 millions d'euros, ce qui rend impossible, selon lui, le versement des salaires en juillet.
Les marins comptent également déposer un référé pour demander que ces sommes leur soient payées, a confirmé l'administrateur Emmanuel Hess.
Il espère que cette procédure judiciaire puisse aboutir avant jeudi, jour où le tribunal de commerce de Boulogne-sur-mer doit statuer sur la liquidation ou non de la compagnie. "Mais ça risque d'être difficile", admet-il.
- Une liquidation de la Scop ? -
Du côté d'Eurotunnel, on renvoie la faute sur les marins. C'est la Scop qui doit de l'argent à Eurotunnel, "en raison des pénalités de non-restitution des navires", a déclaré une porte-parole du groupe.
"On appelle à une mise en liquidation de la Scop, ce qui permettrait que les salariés soient payés et que DFDS puisse envisager une reprise des salariés et de mettre en place une solution d'affrètement pour le Nord/Pas-de-Calais" (navire de fret), a-t-elle ajouté.
Le déblocage total du port de Calais restera en vigueur jusqu'à vendredi matin, où une nouvelle assemblée générale doit avoir lieu.
Selon Sébastien Rivera, secrétaire général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) Pas-de-Calais, la grogne des marins de SeaFrance a coûté "plus de deux millions d'euros" aux entreprises de transport de la région, dont "certaines sont au bord du dépôt de bilan", depuis le début du mouvement fin juin. Le secteur emploie quelque 1.500 personnes dans la région.
Début juillet, déjà, le SMN, ultra-majoritaire, avait multiplié des actions coups de poing, bloquant le port de Calais et des milliers de camions, paralysant le trafic des navettes Eurotunnel, ainsi que des trains Eurostar.
Les 600 marins de la Scop sont dans l'expectative depuis que le propriétaire des bateaux, Eurotunnel, a annoncé son intention de louer deux des trois navires à leur concurrent DFDS, qui s'est engagé à acheter les navires à terme, selon Eurotunnel.