La Banque centrale européenne (BCE) a maintenu jeudi son principal taux d'intérêt directeur inchangé, sans surprise dans un contexte de stabilisation économique et financière en zone euro que l'appréciation de l'euro ne remet pas en cause, selon elle.
"Les risques entourant les perspectives économiques pour la zone euro continuent à diminuer", a déclaré Mario Draghi, le président de l'institution monétaire, lors d'une conférence de presse à Francfort (ouest).
La confiance retrouvée des marchés financiers, des entrepreneurs et des consommateurs, même si elle reste fragile, permet de s'attendre à une amélioration en fin d'année, a-t-il encore estimé, un pronostic qui n'a pas varié depuis décembre.
Toutefois, les indicateurs d'activité continuent de montrer des signes de faiblesse, a-t-il mis en garde, appelant les gouvernements à poursuivre sur la voie des réformes.
Pour Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg, le patron de la BCE a semblé "un peu plus prudent" que lors de ses dernières interventions, sans doute pour éviter toute complaisance et "peut-être aussi freiner la hausse de l'euro".
L'appréciation de la monnaie unique a occupé une grande partie de la conférence de presse, après les déclarations inquiètes à ce sujet du président français François Hollande, mardi devant le Parlement européen réuni à Strasbourg.
M. Hollande a appelé à la mise en place d'une politique de change, afin d'éviter que les fluctuations monétaires ne pénalisent les efforts de compétitivité de pays éprouvés par la crise de la dette.
En particulier, la croissance française risque d'être amputée de 0,3 point de pourcentage cette année si l'euro continue à progresser au rythme actuel, selon son ministre de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici.
Or pour M. Draghi, la hausse de l'euro n'est pas inquiétante à ce stade et constitue surtout le signe d'un retour de la confiance dans la zone euro.
Il a aussi semblé dédouaner les autorités monétaires japonaises et américaines, qui en faisant jouer la planche à billets pour soutenir l'activité économique de leur pays, poussent la monnaie unique à la hausse. "Les changements actuellement observés dans les taux de change ne sont pas délibérés. C'est davantage l'effet de politiques économiques destinées à relancer l'économie", a-t-il dit.
Mais si ces politiques ont des conséquences sur les taux de change qui "ne reflètent pas le consensus du G20, nous devrons en discuter", a-t-il averti.
Soulignant l'indépendance de la BCE, il a rappelé qu'elle n'avait de toute façon pas d'objectif de taux de change.
Mais le taux de change "est important pour la croissance et la stabilité des prix, et nous allons observer si cette appréciation, si elle perdure, modifie notre évaluation concernant la stabilité des prix", a-t-il ajouté. Des propos interprétés par Christian Schulz comme "une modeste" tentative de contenir la hausse.
Interrogé sur la décision de maintenir le taux directeur inchangé à 0,75% - son plus bas niveau historique auquel il stationne depuis juillet, M. Draghi a déclaré qu'elle avait été prise à l'unanimité, bien que des discussions aient eu lieu sur la manière d'améliorer "les conditions financières", sans plus de précision.
Les taux interbancaires ayant augmenté depuis la décision de certaines banques de la région de rembourser par anticipation le premier prêt à trois ans que leur avait accordé la BCE en décembre 2011, M. Draghi a répété qu'elle se tenait prête à leur fournir autant de liquidités que nécessaire lors de ses opérations de prêts sur une semaine, un mois et trois mois.
Il a estimé que ces remboursements -quelque 140 milliards d'euros sur les 468 milliards empruntés - étaient aussi un signe du retour de la confiance sur les marchés financiers.
Le niveau de l'inflation en zone euro (2% en janvier, soit son niveau le plus faible depuis novembre 2010) devrait tomber sous les 2% au cours des mois à venir, et ainsi être dans les clous de l'objectif de moyen terme de la BCE, a-t-il encore déclaré.
Cette perspective, couplée au sentiment de la BCE de mener une "politique monétaire accommodante", comme l'a répété à maintes reprises son président, ne laisse pas augurer une baisse éventuelle de taux dans un futur proche.