Les communes de France (36.700) et les groupements de communes sont dans l'ensemble en bonne santé financière mais la prochaine mandature s'annonce compliquée: pointés du doigt pour leurs dépenses de fonctionnement en progression constante, ils vont devoir réduire la voilure et mettre la pédale douce sur les impôts locaux.
"Il n'y a pas en France de +syndrome Detroit+", du nom de la capitale américaine de l'automobile qui a récemment fait faillite, note l'Institut Montaigne, un institut de recherches qui fait autorité.
Quelques dizaines de villes continuent d'essuyer les plâtres d'"emprunts toxiques" contractés auprès de banques avides de produits spéculatifs et aux rendements juteux, mais la dette des collectivités locales - incluant départements et régions - représente 9,5% seulement de la dette publique totale, alors qu'elles pèsent 20% de la dépense publique. Une situation "globalement saine", selon la Cour des comptes.
Attention toutefois à la dérive des dépenses, met en garde la haute juridiction financière, car les dépenses de fonctionnement de l'ensemble des collectivités ont longtemps progressé trop vite: "3,1% en plus de l'inflation chaque année, en moyenne, depuis 1983" et cela ne s'explique "qu'en partie" par les transferts de compétences par l'Etat.
Communes et intercommunalités, qui emploient plus d'1,2 million d'agents, sont particulièrement dans le collimateur.
En cause au premier chef, les frais de personnel (53% des dépenses de fonctionnement des communes), en hausse de 3,2% par an de 2000 à 2012. En 2012, cette hausse a même atteint 8,7% pour les intercommunalités, selon la Cour, qui reproche à certains élus d'être laxistes sur le temps de travail de leurs agents ou leur régime d'indemnités.
Surtout, l'essor de l'intercommunalité, s'il permet de mieux satisfaire les besoins des habitants, "n'a pas été générateur d'économies, bien au contraire", se plaint-elle. Toutefois, depuis 2010, les effectifs ne progressent plus, l'augmentation dans les intercommunalités ayant été compensée par une baisse dans les communes (- 9.000).
risque de décrochage de l'investissement
Critiquant "la vision purement comptable" de la juridiction financière, les associations d'élus observent, eux, que "les besoins à satisfaire sont de plus en plus importants", ne serait-ce qu'à cause de l'augmentation de la population. Appliquer les nouveaux rythmes scolaires implique par exemple de recruter de nombreux animateurs, un coût que le président de l'Association des maires de France Jacques Pélissard évalue "entre 600 et 800 millions d'euros" en année pleine.
Pour faire face aux nouveaux services attendus de leurs administrés et aux charges imposées par l'Etat (2 milliards d'euros en 2014 pour l'ensemble des collectivités, selon le Comité des finances locales - CFL), les villes, toutes tendances politiques confondues, ont largement eu recours à l'impôt. Selon l'institut Montaigne, à Nantes, les recettes fiscales ont augmenté de 4,7% par an depuis 2002, à Nice de 27% de 2008 à 2012.
Depuis 2008, l'augmentation de la pression fiscale approche les 10% dans les grandes villes, selon une enquête du Forum pour la gestion des villes de septembre.
Mais le ralentissement est très sensible depuis trois ans. Pour l'ensemble des communes cette fois, les taux des taxes pour les ménages n'ont monté que de 0,52% en 2011, de 0,26% en 2012 et devraient avoir quasiment stagné en 2013 (+0,1%), selon le ministère des Finances. Ce sont principalement les bases de l'imposition, notamment le nombre croissant de contribuables et l'augmentation des revenus, qui ont provoqué la hausse des recettes fiscales.
A la différence de l'Etat, les recettes de fonctionnement (100 milliards en 2011) du "bloc communal" (communes + interco) demeurent nettement supérieures aux dépenses de fonctionnement (81,8 milliards). Cet excédent permet de financer près de la moitié des investissements.
Mais la réduction des aides de l'Etat (1,5 milliard de moins cette année, autant l'an prochain), la crise économique et le "ras-le-bol fiscal" se conjuguent aujourd'hui pour provoquer un tassement des ressources du bloc communal, et donc réduire les marges de manoeuvre. Encore faible (3,1 mds EUR), le déficit des administrations publiques locales a progressé sensiblement en 2012, selon la Cour des Comptes.
"Le risque majeur, c'est un décrochage de l'investissement", prévient André Laignel, président du CFL.