Pour François Fillon, c'est une page qui se tourne: à 63 ans, l'ex-candidat de la droite à l'Elysée, aux prises avec la justice, abandonne la vie politique pour rejoindre la finance, après quatre décennies passées dans les arcanes du pouvoir.
"Il n'envisage pas le retour. La page est tournée, il est désormais concentré sur sa nouvelle vie", a assuré mercredi à l'AFP son ami Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, qui lui parle régulièrement au téléphone.
L'ex-Premier ministre va rejoindre à partir du 1er septembre, "en tant qu'associé", le trentième, la société de gestion d'actifs et d'investissement Tikehau Capital.
"Son expérience internationale (...) et sa connaissance aiguë des problématiques économiques françaises et européennes constituent des atouts majeurs pour accompagner le développement de la société de gestion et d'investissement", explique la société.
M. Fillon rejoint la cohorte de politiques passés dans le privé, comme les anciens ministres Alain Madelin, Eric Besson, Fleur Pellerin. Nicolas Sarkozy, s'il n'a pas officiellement fait ses adieux à la politique, est lui entré il y a quelques mois au conseil d'administration du groupe hôtelier Accor (PA:ACCP).
Très impliqué dans la défense des chrétiens d'Orient, victimes des exactions du groupe Etat islamique, M. Fillon, qui s'est rendu à plusieurs reprises dans les camps de réfugiés au nord de l'Irak et au Liban pendant la campagne, pourrait également créer une fondation en leur faveur.
Exit la politique donc mais pas les ennuis judiciaires auxquels il est toujours confronté. Embourbé, pendant la campagne, dans une affaire d'emplois fictifs présumés impliquant sa famille, le candidat de la droite avait rapidement été mis en examen, notamment pour détournement de fonds publics. Depuis, la justice suit son cours. M. Fillon a vu les juges au début de l'été et devrait les revoir à une date non précisée.
Seul motif de soulagement pour celui dont la carrière s'est brisée au fil du "Penelopegate": son fils et sa fille, Charles et Marie Fillon, ont été placés le 5 juillet sous le statut de témoin assisté, les magistrats considérant qu'il n'existait pas à ce stade d'"indices graves ou concordants" justifiant leur mise en examen.
- "Boomerang" -
Justifiées ou non, les "révélations" sur son train de vie avaient entaché l'image de rigueur du candidat Fillon. Après sa victoire inattendue à la primaire, tous dans sa famille politique jugeaient l'élection "imperdable pour la droite". D'où le ressentiment à son égard de nombre de responsables LR.
"Je ne suis pas sûr que Macron aurait été élu s'il n'y avait pas eu l'accident Fillon. Nous avions un boulevard", regrette Georges Fenech.
Les déboires judiciaires de M. Fillon ont servi d'avertisseur au pouvoir actuel. Pour empêcher les possibles dérives d'élus tentés de fournir un travail - fictif ou non - à leur famille, le gouvernement a fait voter cet été une loi sur la moralisation de la vie politique. "Voyez à quoi tout ça a servi! De boomerang", soupire un élu filloniste, évoquant les départs forcés du gouvernement de François Bayrou ou Richard Ferrand.
Entré en politique en 1976 - il a alors 22 ans - M. Fillon a gravi peu à peu les échelons de la politique locale (conseiller général puis président du Conseil général de la Sarthe, maire de Sablé-sur-Sarthe) et nationale (député, ministre à plusieurs reprises).
Cet "inénervable" - un néologisme de son crû pour s'auto-qualifier - avait su se hisser à Matignon et y tenir cinq ans sous la présidence d'un Nicolas Sarkozy qui ne l'aimait pourtant pas mais jugeait qu'il était "un bon Premier ministre".
Fin octobre, son micro-parti, Force Républicaine, sur lequel il s'était appuyé pour faire campagne et qui a restitué à LR un million d'euros sur le 1,9 million engrangé grâce à la victoire à la primaire, se dotera d'un nouveau chef. Pour Fillon, qui répétait que dans sa vie, il avait "toujours eu beaucoup de chance", ce sera le dernier acte d'une histoire au goût d'inachevé.
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