Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, devrait préparer les esprits jeudi à un scénario de sortie progressive de sa politique d'argent bon marché, dans un contexte épineux mêlant faible inflation et euro fort.
La monnaie unique, qui vaut actuellement près d'1,20 dollar, et une inflation à 1,5% sur un an en août pour la zone euro, un niveau inférieur à celui souhaité, incitent à la prudence avant de communiquer tout signal de retrait de la mesure phare de la BCE pour soutenir l'économie depuis 2015, par de larges rachats de dette publique et privée.
M. Draghi, qui a fêté dimanche ses 70 ans, devra donc peser ses mots pour amorcer l'abandon de son programme d'"assouplissement quantitatif", dit "QE". Rien n'est en revanche attendu côté taux directeurs, maintenus à leurs planchers historiques depuis plus d'un an.
"La question de la semaine est de savoir si Mario Draghi va dévoiler quelque peu le plan de diminution des achats", estime Carsten Brzeski, économiste chez ING (AS:INGA) Diba.
En juillet, le banquier italien a martelé que toute discussion à ce sujet se tiendrait à "l'automne", les observateurs comprenant que cela se ferait en septembre ou en octobre.
- Réduction 'graduelle' -
Le QE, en injectant plus de 2.000 milliards d'euros d'argent frais dans les circuits financiers, a contribué à relancer l'économie et permis de faire repartir l'inflation, mais sans la conduire de façon durable au niveau cible, proche de 2%.
L'économie se portant mieux, il avait été décidé fin 2016 de ramener les achats d'obligations de 80 à 60 milliards d'euros par mois et de maintenir ce rythme au moins jusqu'à la fin de l'année 2017.
Pour décider de l'avenir de ses interventions sur le marché, la BCE disposera jeudi de nouvelles projections d'inflation et de croissance pour la zone euro à l'horizon 2019.
"L'euro plus fort va mécaniquement abaisser les projections d'inflation et compliquer la communication de la BCE, mais sans faire dérailler la sortie" du QE, juge Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet wealth management.
"Indépendamment du moment exact de l'annonce, seul le résultat final compte", estime Marco Valli, chez Unicredit (MI:CRDI). "Attendez-vous à ce que la BCE réduise son stimulus l'année prochaine, mais d'une manière très graduelle et ouverte", ajoute-t-il.
Le problème de la BCE est qu'elle peut s'appuyer sur une reprise robuste touchant la majeure partie de la zone euro, mais sans que jouent les pressions inflationnistes habituelles via les hausses de salaires. En cause, la faible qualité des emplois créés dans le sillage de la reprise.
- Répercussions négatives -
L'institution pourrait être tentée de prolonger autant que possible ses achats sur le marché, mais elle voit se profiler une difficulté technique: certaines obligations souveraines commencent à se raréfier, dont celles de l'Allemagne, alors que les règles du QE imposent de panacher les achats selon la part détenue par chaque pays émetteur dans le capital de la BCE.
"La BCE pourrait encore procéder à des achats jusqu'à la fin de 2018, voire en 2019, utilisant pleinement la flexibilité du programme", calcule Frederik Ducrozet.
Selon Carsten Brzeski, les décideurs politiques vont chercher de leur côté à limiter autant que possible les répercussions négatives d'un retrait de la BCE du marché. La question de la soutenabilité de la dette italienne dans pareil contexte est déjà dans l'air.
Rien n'est décidé, mais selon un sondage de l'agence Bloomberg, 80% des économistes interrogés s'attendent à voir la BCE réduire ses achats mensuels à partir de janvier 2018.
Ils pensent par ailleurs que l'institution devrait se garder la possibilité de redonner de la vapeur côté QE, si l'économie et les perspectives d'inflation se voyaient à nouveau affaiblies.