PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron a annoncé jeudi que le budget de la Défense de la France serait porté à 34,2 milliards d'euros en 2018 - contre 32,7 milliards cette année - dont 650 millions pour les opérations extérieures et a rejeté sèchement les critiques sur les économies exigées des armées.
Dans une charge d'une rare virulence au sein de la "grande muette", le chef d'état-major des armées françaises a exprimé en termes crus sa colère contre la coupe budgétaire de 850 millions d'euros imposée au ministère de la Défense.
Le général Pierre de Villiers a relayé l'incompréhension d'une communauté militaire déjà sous tension qui juge que les moyens alloués ne sont pas à la hauteur des missions extérieures (Sahel, Levant) et intérieure (Sentinelle) actuelles.
"Dès 2018 (...) nous entamerons cette remontée du budget du ministère des armées, dont les crédits budgétaires seront portés à 34,2 milliards d'euros, dont 650 millions d'euros de provisions Opex", a dit le chef de l'Etat lors d'un discours au ministère de la Défense à l'occasion de la réception des militaires participant au défilé du 14-Juillet, à Paris.
"Parce que c'est ce que nous vous devons, parce que c'est l'engagement que j'ai pris. En aucune façon parce que quelques commentaires se seraient élevés", a-t-il souligné.
Emmanuel Macron, qui dès son élection a affirmé avec force son statut de chef des armées, a vertement répliqué aux critiques émanant depuis quelques jours des rangs militaires et adressé un rappel à l'ordre implicite au général de Villiers, qui était présent, au côté notamment du Premier ministre, Edouard Philippe, et de la ministre des Armées Florence Parly.
"Je considère pour ma part qu'il n'est pas digne d'étaler des débats sur la place publique. J'ai pris des engagements, je suis votre chef. Les engagements que je prends devant les concitoyens, devant les armées, je sais les tenir et je n'ai à cet égard besoin de nulle pression, de nul commentaire", a-t-il lancé.
"J'aime le sens du devoir, j'aime le sens de la réserve qui a tenu nos armées là où elles sont aujourd'hui. Et ce que j'ai parfois du mal à considérer dans certains secteurs, je l'admets encore moins quand il s'agit des armées", a-t-il ajouté.
"TROP D'EFFORTS"
Le chef de l'Etat a assuré que la trajectoire financière en cours d'élaboration permettrait de concrétiser son engagement de porter les ressources de la Défense à 2% du PIB en 2025.
Le général Pierre de Villiers, maintenu jusqu'au 31 juillet 2018 à la tête des armées par un décret de la ministre des Armées paru mercredi au Journal officiel, n'a pas mâché ses mots mercredi devant les membres de la commission de la Défense de l'Assemblée, comme l'a signalé Challenges.
"Je ne me laisserai pas b... comme ça", a-t-il notamment lâché, comme confirmé par des sources parlementaires à Reuters.
Le général de Villiers a précisé qu'"un coup de pouce" lui avait été promis par la ministre pour 2018, une assurance qui n'a en rien dissipé ses inquiétudes. "Je suis c..., mais je sais quand on veut m'avoir", a-t-il dit.
Dans une tribune à paraître vendredi dans Le Figaro, il renouvelle, en termes choisis, son appel à augmenter les moyens des armées.
Les 850 millions d'économies, a-t-on précisé dans l'entourage de Florence Parly, proviendront des 2,7 milliards d'euros de crédits gelés pour l'exercice en cours au titre des régulations annuelles.
Dans le détail, cette mesure de régulation, prise dans le cadre de la loi de finances 2017, concerne : une réserve de précaution de 1,6 milliard d'euros, un gel des crédits de report de 2016 sur 2017 à hauteur de 715 millions (décidé en mars) et un "surgel" de 350 millions d'euros (en avril).
"L'armée a fait beaucoup beaucoup d'efforts. Trop d'efforts, ça met en cause la souveraineté du pays", avait déclaré jeudi sur RTL Eric Woerth (Les Républicains), président de la commission des Finances de l'Assemblée.
"Je peux comprendre que les chefs militaires considèrent qu'on ne peut pas risquer la vie d'un certain nombre de soldats, faire de la géopolitique au travers de nos propres armes et ne pas avoir les moyens d'en faire", avait-il ajouté.
Fin mars, devant le Cercle des économistes, le général Pierre de Villiers avait plaidé pour un effort à hauteur de 2% du PIB dès 2022, surcoût des Opex et pensions inclus. Depuis 2013, le surcoût des opérations extérieures dépasse 1,1 milliard d'euros. Il a atteint 1,14 milliard en 2016.
Au total, 7.000 militaires français sont déployés aujourd'hui sur des théâtres extérieurs, dont 4.000 pour la seule opération Barkhane au Sahel.
(Sophie Louet avec Emile Picy et Caroline Pailliez)