Les salariés de Tati se sont mobilisés jeudi matin à Paris, craignant une casse sociale, alors que la justice devrait acter dans la journée le redressement judiciaire de l'entreprise, ouvrant la voie à une probable cession.
Quelques dizaines de personnes s'étaient rassemblées en début de matinée devant le magasin historique de la célèbre enseigne au vichy rose, sur le boulevard Barbès. Parmi eux, quelques personnalités comme le candidat NPA à la présidentielle, Philippe Poutou, ou la candidate aux législatives et féministe Caroline De Haas, mais surtout beaucoup de salariés inquiets.
"On demande la vérité sur ce que nous allons devenir, qu'on arrête de nous mener en bateau", ainsi que "la sauvegarde du maximum" des 1.754 salariés menacés, a déclaré la déléguée CGT Nicole Coger, entourée d'une nuée de caméras et de micros.
Tati, en difficulté depuis plusieurs années et qui s'est déclaré en cessation de paiement vendredi, a demandé mardi au tribunal de commerce de Bobigny son placement en redressement judiciaire pour éviter la liquidation.
- Recherche de repreneurs -
La décision, mise en délibérée, est attendue d'ici la fin de la journée. Elle devrait déboucher sur la mise en place d'une période d'observation et la nomination d'un ou plusieurs administrateurs judiciaires.
L'objectif pour l'actuel propriétaire de Tati, le groupe Eram, est de trouver un ou plusieurs repreneurs pour Tati, ainsi que pour Fabio Lucci, Gigastore et Degrif'Mania, les autres enseignes de son pôle discount Agora Distribution.
La société emploie 1.754 personnes, dont 1.314 chez Tati, et compte 140 magasins en France, dont 115 Tati.
Eram souhaiterait aboutir rapidement à une cession de l'ensemble du pôle, si possible avant la fin juin. Le groupe avait déjà tenté en 2015 de vendre Tati, sans succès.
Cette fois, sept offres de reprise ont d'ores et déjà été émises.
Parmi elles, une proposition ferme du fondateur de Gifi, Philippe Ginestet, qui ambitionne de reprendre 100 magasins Tati, dont celui historique de Barbès, et environ 1.200 salariés. Il conserverait la marque Tati.
Un consortium composé de la Foir' Fouille, Centrakor et Stockomani serait également sur les rangs, selon une source proche.
- Audience le 29 mai -
Mais officiellement, ni l'identité et ni la teneur des offres des autres repreneurs n'ont été dévoilés. Une prochaine audience au tribunal de commerce, fixée au 29 mai, devrait permettre d'en savoir plus.
Seule certitude à l'heure actuelle: la quasi-totalité des propositions ne concernent que des reprises partielles, portant au maximum sur deux tiers des magasins. Près de 600 emplois pourraient donc être potentiellement menacés.
A ce jour, seule une offre "est absolument globale", mais "cette offre-là pose des conditions qui ne sont pas recevables", a expliqué mardi le PDG d'Agora, Michel Rességuier.
Il a expliqué "compter sur la procédure judiciaire pour parvenir à des améliorations notables des offres, principalement sur le volet social".
"Notre objectif reste de préserver le plus d'emplois possible et que les salariés soient rapidement fixés sur l'avenir des activités. (...) Notre trésorerie ne nous permet pas de tenir des mois", a ajouté le dirigeant, nommé en mars dernier.
Avant Tati, M. Rességuier avait pris en 2012 la direction du voyagiste Thomas Cook France, en grande difficulté financière. L'entreprise avait finalement lancé un plan social portant sur 170 emplois. Il avait ensuite rejoint les librairies Chapitre, dont il avait déposé le bilan et engagé la cession magasin par magasin. Faute de repreneur pour l'ensemble des points de vente, 430 emplois avaient dû être supprimés.
Fondée en 1948 par Jules Ouaki, Tati avait été reprise par Eram en 2007.
Malgré une stratégie de diversification et d'internationalisation, Tati, concurrencée par de nouvelles enseignes à prix cassés (Primark pour l'habillement, Action ou Centrakor pour la déco ...) a essuyé l'an dernier des pertes opérationnelles d'environ 60 millions d'euros pour un chiffre d'affaires en baisse, à 350 millions d'euros.