par Emmanuel Jarry
LE BOURGET, Seine-Saint-Denis (Reuters) - Répétition coquille 1er paragraphe.
A moins de 48 heures de l'échéance, la conférence de Paris sur le climat bute comme au premier jour sur les trois principaux sujets au coeur de la négociation et les débats de mercredi soir ont confirmé que le chemin d'un accord restait semé d'embûches.
Le chef de la diplomatie française et président de cette COP21, Laurent Fabius, a remis en début d'après-midi aux 196 délégations un projet de texte, plus court et dont près de la moitié des articles sont proches d'une rédaction définitive.
Mais ceux consacrés aux objectifs à long terme de la lutte contre le réchauffement climatique, à son financement et à la modulation des efforts demandés aux pays selon leur degré de développement, en paraissent en revanche encore très loin.
La nouvelle mouture hésite ainsi entre trois options pour l'objectif de réchauffement climatique : "sous 2°C au-dessus des niveaux pré-industriels" à la fin du siècle, "bien en dessous de 2°C", tout en reconnaissant les risques encourus par certaines régions au-dessus de 1,5°C, ou "sous 1,5°C", un seuil demandé par les pays les plus vulnérables aux dérèglements climatiques.
Laurent Fabius, qui s'en tient à son objectif d'un accord adopté vendredi en fin d'après-midi, souhaitait mettre la nuit à profit pour concentrer les consultations au niveau des chefs de délégations sur ces points cruciaux.
Mais la réunion de l'instance de consultation convoqué mercredi soir par le chef de la diplomatie française pour entendre les réactions des délégations a retardé la reprise de ces travaux sans permettre d'y voir plus clair.
Les intervenants ont certes salué sa méthode - celui de Timor proposant même de lui décerner le prix Nobel de la Paix - et considéré le texte comme une "bonne base". Mais pour mieux critiquer cette mouture, quitte à faire ressurgir l'opposition traditionnelle entre pays riches et en développement.
"Il ne faut pas rester passéiste mais la durabilité de l'accord ne sera pas possible si on dilue les responsabilités historiques ou si on met sur un pied d'égalité les pollueurs et les victimes", a ainsi dit le ministre indien de l'Environnement.
De nombreux pays en voie de développement ont souhaité retenir l'objectif de 1,5°C et invité les pays développés à tenir leurs engagements en matière de financement.
MANIFESTATION
Mais "pour atteindre cet objectif de 1,5° il faudrait que les pays en développement réduisent massivement leurs émissions et qu'il y ait donc un déploiement massif de financement des pays développés dans les pays en développement. Ça n'existe pas", a insisté Prakash Javadekar.
La ministre japonaise de l'Environnement, Tamayo Marukawa, a pour sa part déploré que l'équilibre du texte ait été "perdu", avis partagé par la Suisse, qui s'exprimait au nom du groupe des pays dits de "l'intégrité environnementale", mais également par des délégations du Sud, pour des raisons opposées.
"Tout objectif qui menace notre développement, l'éradication de la pauvreté et la sécurité alimentaire, ne peut pas être dans l'accord", a répliqué l'Arabie saoudite, pays pétrolier et Etat parmi les moins ambitieux en termes de réduction des gaz à effet de serre (GES), responsables du réchauffement.
Laurent Fabius a interrompu la session au bout de trois heures et demie et donné rendez-vous à minuit aux chefs de délégation pour une réunion en format restreint.
Le chef de l'Etat français, François Hollande avait reconnu quelques heures plus tôt que des Etats montraient encore "des résistances", tout en refusant de nommer ces pays "pour ne pas compliquer les négociations" dans un "moment décisif".
Les organisations de défense de l'environnement invitées en observatrices à la COP21 ont pour leur part manifesté en fin d'après-midi au coeur de la "zone bleue" sous juridiction de l'Onu pour faire pression sur les responsables politiques.
En fin d'après-midi, environ 500 de leurs représentants venus du monde entier, souvent très jeunes, avaient ainsi défilé dans le hall principal pour protester contre un manque d'ambition présumé des négociateurs.
Au milieu des manifestants, l'ancien négociateur philippin Yeb Saño, se montrait quelque peu amer.
"Personnellement, je n'ai aucune illusion sur la possibilité d'influencer les gouvernements en manifestant", a-t-il déclaré à Reuters. "Mais cela montre que nous sommes solidaires."
(Avec Alister Doyle, Elizabeth Pineau, Nina Chestney et Megan Rowling)