"La dernière fois qu'il y a eu autant de Calaisiens à Paris, c'était pour la finale de la Coupe de France !". A l'instar du restaurateur Pierre Nouchi, environ 500 Calaisiens, dont nombre de commerçants qui estiment payer un lourd tribut à la crise migratoire se rendront lundi près de l'Elysée.
Les images de camions pris d'assaut par des migrants ou des heurts dans la "Jungle" ont terriblement nui à l'image de cette cité de 72.000 habitants qui doit sa fortune et son infortune à se proximité avec les côtes anglaises.
Dix millions de passagers transitent chaque année par son port, mais elle attire aussi des clandestins rêvant de traverser le détroit.
"Il y a une volonté de notre part de dire que les médias, surtout anglais, nous ont assassinés, il faut redorer le blason et dire qu'il ne se passe strictement rien à Calais. Certes, il y a un bidonville à côté de chez nous mais l'Etat a repris la main dessus et il était temps !", explique M. Nouchi, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) du Calaisis, qui chiffre à "30 à 40%" la baisse de chiffre d'affaires des commerces qu'il représente.
Effectivement, quand on ne se promène dans les artères du centre ville et autour de la place d'armes, on ne distingue pas de migrants, la tristement célèbre "Jungle", dont le démantèlement sous la contrainte a débuté lundi, se situant à une bonne heure à pied de là. Mais on ne croise plus non plus de Belges et de Britanniques, eux qui étaient habitués à faire du shopping à Calais ou à s'y arrêter pour faire bonne chère sur la route de la Côte d'Opale.
"Depuis 20 ans, une habitante du Kent venait toutes les six semaines se faire coiffer ici et elle arrivait avec ses amis, mais avec toutes les images à la télévision, elle ne venait plus" ces derniers temps, regrette Frédérique, qui tient un salon de coiffure sur l'artère principale.
Le choc des images a fait son effet : selon Frédéric Van Gansbeke, boulanger et président du collectif des entreprises et du commerce du Calaisis, qui représente 700 entreprises, "une compétition de natation départementale a dû être annulée car les parents ont refusé que leur enfant vienne nager à Calais !". "Ca devient hallucinant", peste-t-il.
- "Un peu d'air" -
Lundi, avec comme slogan "Mon port est beau, ma ville est belle", ce seront dix cars qui partiront de Calais, soit 500 personnes environ, pour un rassemblement près de l'Elysée, à Paris.
Selon M. Van Gansbeke, porte-parole du rassemblement, une délégation de cinq personnes doit être reçue par le ministre des Finances Michel Sapin, un proche collaborateur de François Hollande et un autre de Jean-Marc Ayrault (Affaires étrangères, en charge du tourisme).
Ce déplacement intervient trois jours après celui de la maire de Calais, Natacha Bouchart (LR), reçue par le président de la République. "Je lui ai fais part des difficultés économiques de notre territoire; bon nombre d’entre elles sont des conséquences de la crise migratoire", a indiqué Mme Bouchart, qui a souvent regretté de voir sa ville transformée "en terrain de jeu des extrémistes" lors de manifestations d'extrême gauche ou d'extrême droite.
Les milieux économiques du Calaisis ont bien accueilli l'annonce vendredi de la mise en service, le 29 mars, de l’autoroute ferroviaire pour les poids-lourds entre Calais et Le Boulou (Pyrénées-Orientales), ainsi que la mise à l'étude d'un dispositif permettant un report de charges fiscales, voire d’un effacement dans certains cas.
Mais la délégation veut aussi demander "la création d'une zone franche à l'échelle du Calaisis" et "un grand plan de relance du tourisme", selon M. Van Gansbeke. "on attend des annonces qui vont nous donner un peu d'air pour pouvoir survivre un peu plus longtemps", confie M. Nouchi.