Le Parlement européen doit prendre acte mardi de l'insuffisance de progrès dans les tractations du Brexit, qui ne permet pas, à ses yeux, de pouvoir commencer à discuter de la nature de la future relation entre les deux parties.
Selon un projet de résolution, qui sera débattu puis mis aux voix à la mi-journée, les eurodéputés réunis en séance plénière à Strasbourg appellent le Conseil européen (qui regroupe les dirigeants des Etats membres) à "retarder son évaluation pour savoir si des progrès suffisants ont été effectués" lors des négociations ouvertes fin août avec le Royaume-Uni.
Sauf en cas de "percée majeure" à l'occasion du prochain round de pourparlers -- le cinquième -- programmé à Bruxelles du 9 au 12 octobre. "On ne demande qu'à être surpris", a confié à l'AFP le chef de file des Verts, le Belge Philippe Lamberts.
Il revient à Michel Barnier, le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, d'évaluer si ces "progrès suffisants", selon l'expression consacrée, ont été accomplis, puis de proposer dans ce cas aux 27 Etats membres (sans le Royaume-Uni) d'accepter de commencer à discuter de la nature du futur partenariat entre l'UE et Londres. Une discussion que le Royaume-Uni est impatient d'entamer avant que l'accord de retrait ne soit finalisé.
Les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE sont censés examiner l'état de l'avancement des discussions à l'occasion de leur sommet prévu les 19 et 20 octobre à Bruxelles.
- 'Lignes rouges' -
D'après le texte soutenu par les principaux groupes politiques, le Parlement "est d'avis que lors du quatrième round de négociations (du 25 au 28 septembre) il n'y a pas eu de progrès suffisant" sur les trois dossiers prioritaires.
Il s'agit des droits des citoyens européens installés au Royaume-Uni, de la question de l'Irlande et de la province britannique de l'Irlande du Nord (en particulier de leur frontière commune), et du règlement des obligations financières du Royaume-Uni, évaluées à Bruxelles entre 60 et 100 milliards d'euros.
Sur ces trois dossiers sensibles, les députés européens en profitent pour établir leurs "lignes rouges".
Ils notent que des "discriminations" ont déjà eu lieu "au Royaume-Uni et dans certains autres États membres", et que "celles-ci avaient des répercussions sur leur vie quotidienne, en limitant l’exercice effectif de leurs droits".
Ils abordent aussi l'idée d'une "période de transition" d'environ deux ans après la date officielle du Brexit, attendu le 29 mars 2019, proposée par la Première ministre britannique Theresa May lors de son récent discours en Italie.
Selon eux, cette période d'ajustement ne saurait advenir que sous le régime de "l'acquis communautaire" et la juridiction de la Cour de justice de l'UE (CJUE). Or les Britanniques excluent de se soumettre à l'autorité de la CJUE une fois leur retrait effectif.
La résolution est signée du "référent" du Parlement sur le Brexit, Guy Verhofstadt, chef de file des libéraux, et des collègues présidents du PPE (droite, majoritaire), S&D (socialistes), GUE/NGL (extrême gauche) et Verts.
Leur appréciation rejoint l'avertissement du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker qui a dit, lors d'un sommet européen vendredi à Tallinn, ne pas s'attendre -- "sauf miracle" -- à des "progrès suffisants" d'ici la fin du mois pour commencer à discuter des futures relations commerciales.
Michel Barnier lui-même, s'il se réjouit de "la nouvelle dynamique" impulsée depuis les propositions de Mme May présentées à Florence, reconnaît que "nous sommes loin encore d'atteindre le moment - il faudra plusieurs semaines ou plusieurs mois - où nous pourrons constater des progrès suffisants sur le principe du retrait ordonné" du Royaume-Uni.
Ce n'est toutefois pas l'avis de Theresa May, plus optimiste, pour qui "de très bons progrès ont été faits".
C'est le Parlement européen qui doit avoir le "dernier mot" dans les tractations entre Bruxelles et Londres en donnant - ou pas - son feu vert à l'accord de retrait négocié.