Des pionniers de la réalité virtuelle ambitionnent de démocratiser l'accès à l'éducation en Birmanie, en permettant aux écoliers de découvrir le monde grâce à des lunettes 3D.
"En Birmanie, on ne peut pas trop se permettre d'emmener les enfants en sortie dans le monde réel. Pour une leçon sur les animaux, on ne peut pas les emmener au zoo", faute de moyens, explique Hla Hla Win, enseignante et fondatrice de "360 ed".
Le but affiché de l'organisation, soutenue par plusieurs universités étrangères, est de "démocratiser les outils d'apprentissage du XXIe siècle".
L'introduction de la réalité virtuelle dans les salles de classe, banale dans les écoles de la Silicon Valley, est une innovation en Birmanie, un des pays les plus pauvres d'Asie du Sud-Est.
Le système éducatif a été très peu financé pendant les décennies d'une junte militaire qui s'est finalement autodissoute en 2011, et le gouvernement civil actuel dirigé par l'ex-opposant Aung San Suu Kyi peine à le rénover.
L'organisation 360ed tente, à son échelle, de faire avancer les choses et multiplie les interventions dans les écoles.
"On peut se télé-transporter immédiatement dans un autre lieu!", s'enthousiasme HlaHla Win.
Elle se rend dans les classes avec un astucieux système de lunettes en carton, qui coûtent moins de quatre euros, que les enfants peuvent simplement relier à un téléphone portable.
Grâce à la réalité virtuelle, ces petits Birmans, qui dans leur immense majorité ne sont jamais sortis de leur pays, peuvent marcher sur la lune, plonger au fond des mers ou visiter des sites historiques de Birmanie comme Bagan.
- Deux réalités coexistent -
360ed utilise aussi la réalité virtuelle pour former les enseignants birmans, en les télé-transportant dans des salles de classe de pays aussi divers que le Japon ou la Finlande. L'organisation est en discussion avec des écoles en Inde, au Bangladesh, en Chine et au Pakistan pour y exporter l'expérience.
"Avec la réalité virtuelle, il n'y a pas de divisions, pas de distance", se prend à rêver HlaHla Win.
Derrière le projet de 360ed se trouve le populaire incubateur Phandeeyar, qui aide plus d'une centaine de jeunes entreprises technologiques à se développer à Rangoun.
Car en Birmanie, les start-ups de réalité virtuelle commencent à émerger, loin de l'époque de la junte militaire où les cartes SIM étaient une rareté et les ventes d'ordinateurs très limitées, tout comme l'accès à internet.
Aujourd'hui, près de 80% de la population est équipée de smartphones, selon le géant des télécommunications Telenor, très implanté en Birmanie. Et ce jusque dans les campagnes les plus reculées.
L'accès à la réalité virtuelle est désormais à portée de téléphone portable, alors même que les infrastructures routières restent très limitées et que de nombreux villages n'ont pas accès à l'électricité.
En Birmanie, coexistent en effet deux réalités: celle d'un pays en voie de développement, des villes aux trottoirs défoncés envahis par les chiens de rue; mais le pays compte aussi de jeunes entrepreneurs férus de nouvelles technologies.
- De l'immobilier aux temples -
Nyi Lynn Seck, ancien responsable d'une chaîne de télévision locale, en fait partie: il s'est lancé dans le secteur en 2016 en ouvrant avec des amis un petit bureau dans le nord de Rangoun pour développer leur société de réalité virtuelle, 3xvivr.
Le côté vieillot de leurs locaux tranche avec l'équipement dernier cri.
Pour l'instant, 3xvivr réalise la plupart de ses contrats auprès de promoteurs immobiliers qui souhaitent proposer à leurs clients des visites d'appartements ou d'hôtels montrant les volumes des pièces.
La société de Nyi Lynn Seck souhaite aujourd'hui utiliser cette technologie pour cartographier des sites historiques du pays.
Son dernier chantier: les fameux temples de Bagan, de 700 ans d'âge, haut lieu du tourisme en Birmanie.
Nyi Lin Seck, a eu l'idée de se lancer dans ce projet, pour l'heure non destiné à la commercialisation, après un séisme en août 2016 qui a fortement endommagé le site.
"Notre but principal, c'est d'utiliser notre technologie pour préserver notre connaissance de ces sites et pagodes, au cas où elles soient endommagées par des catastrophes naturelles à l'avenir", explique-t-il.