Mesure de "justice sociale" pour le gouvernement, atteinte à la politique familiale pour ses adversaires, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus entre en vigueur mercredi.
Quelque 485.000 familles, soit 10% des bénéficiaires selon la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), vont voir le montant de leurs "allocs" diminuer de 127 euros par mois en moyenne.
Elle recevront le mois prochain un courrier les en informant, mais ne s'en rendront compte concrètement qu'"autour du 5 août", lorsque seront versés les droits du mois de juillet.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le même montant d'allocations familiales était versé à tous les ménages à partir de deux enfants - actuellement 129,35 euros pour deux enfants - quels que soient leurs revenus.
A partir du 1er juillet, des plafonds seront appliqués: les familles gagnant plus de 6.000 euros nets par mois verront leurs allocations divisées par deux. Au-dessus de 8.000 euros de revenus, elles seront divisées par quatre.
Afin d'éviter les effets de seuil - pour qu'une famille gagnant 6.001 euros ne perçoive pas moitié moins d'allocations qu'à 5.999 euros de revenus - un complément dégressif sera versé aux ménages dépassant de peu l'un des plafonds.
En outre, 154.000 ménages percevant des majorations pour âge (enfants à partir de 14 ans), soit 12% des familles qui y ont droit actuellement, seront concernés par la modulation.
Cette réforme devrait générer 400 millions d'euros d'économies pour les finances publiques cette année et 865 millions en année pleine.
- "Signe négatif" -
Elle est vivement critiquée par les associations familiales, la droite et les syndicats, qui y voient une remise en cause du principe d'universalité et une brèche dans le système de solidarité. Aujourd'hui les allocs, à quand la mise sous conditions de ressources des remboursements maladie? demandent-ils.
Elle ne fait pas non plus l'unanimité à gauche, comme l'ont montré les débats au Parlement.
C'est "une erreur", a répété François Fondard, président de l'Union nationale des associations familiales, lors de l'assemblée générale de la fédération, le 13 juin à Montpellier. "Ce sont les familles où les deux parents travaillent qui seront les plus pénalisées", a-t-il affirmé, parlant d'"un signe négatif adressé à l'activité professionnelle des femmes qui élèvent plusieurs enfants".
Le gouvernement de son côté martèle qu'il s'agit d'"une mesure de justice sociale". "Pour 90% des familles, cela ne changera rien", affirmait récemment la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, devant les députés, arguant que "les allocations restent universelles puisqu'elles seront versées à toutes les familles".
Face aux adversaires de cette réforme, le gouvernement défend sa politique familiale en mettant l'accent sur les créations de places de crèche, et sur la hausse d'allocations destinées aux familles nombreuses modestes et monoparentales (+25% et +50% respectivement entre 2012 et 2017), en application du plan de lutte contre la pauvreté.
La modulation doit toucher principalement les plus hauts revenus. Selon une note interne de la Cnaf, plus de neuf ménages perdants sur dix appartiendraient aux deux déciles supérieurs de niveau de vie. Les couples avec deux enfants représenteraient 64% des ménages perdants.
En 2014, 4,8 millions de foyers étaient bénéficiaires des allocations familiales, pour un coût de 13,1 milliards d'euros.