Des féministes ont lancé lundi une campagne contre le projet de loi "dialogue social" de François Rebsamen, qui, selon elles, supprimera du code du travail les outils d'égalité professionnelle, le ministre Thierry Mandon laissant entendre que ce serait corrigé.
"Avec ce texte de loi, le gouvernement envoie un message clair: +L'égalité? C'est réglé, circulez, il n'y a rien à voir+", proteste une pétition sur la plateforme change.org.
Parmi les 100 premiers signataires, figure Yvette Roudy, première ministre des Droits de la Femme, qui fit voter la loi du 13 juillet 1983 sur l'égalité professionnelle femmes-hommes.
Interrogé lundi par iTELE sur cette protestation, le secrétaire d'Etat PS à la simplification Thierry Mandon a commenté: "si c'est le cas, j'imagine que les parlementaires vont corriger cela, car je ne vois pas une seconde que ce soit l'intention de François Rebsamen". "La simplification, ce n'est pas des droits en moins, c'est l'inverse", a-t-il plaidé.
La pétition est signée par des responsables d'associations féministes (MachoLand, Osez le Féminisme, La Barbe, le Planning familial, Femmes solidaires, Elus contre les violences faites aux femmes ...), le numéro un de la CGT Philippe Martinez, des chercheurs et sociologues (Réjane Sénac, Eric Fassin, Rachel Silvera ...) l'élu EELV Julien Bayou, l'actrice Eva Darlan ou l'écrivain Geneviève Brisac.
Les initiatrices de la campagne, parmi lesquelles Caroline de Haas, ancienne conseillère de Najat Vallaud-Belkacem au ministère des Droits des Femmes, vont aussi interpeller le ministre du Travail François Rebsamen sur les réseaux sociaux. Elles prévoient de rassembler toutes leurs actions sur le site egalite.paritemaintenant.fr.
A l'origine de leur colère, la suppression, prévue dans le projet de loi, du "rapport de situation comparée" (RSC), institué par la loi Roudy de 1983 et qui oblige à établir un diagnostic de l'égalité dans l'entreprise (sur la base des salaires, accès à la formation, déroulement de carrière ...).
Elles craignent que cette suppression rende impossible l'application de la pénalité financière (allant jusqu'à 1% de la masse salariale) instaurée par un décret de la fin 2012 à l'encontre des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d'égalité (48 sanctionnées à fin mars).
Les signataires s'élèvent aussi contre l'intégration de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle, datant de 2001, à la négociation "qualité de vie au travail", et contre la suppression de la commission égalité professionnelle, obligatoire dans les entreprises de plus de 200 salariés.
Elles s'appuient sur un avis encore confidentiel du Conseil Supérieur de l'Egalité Professionnelle (CSEP), qui doit être remis lundi après-midi à la Secrétaire d'Etat aux droits des Femmes Pascale Boistard, et qu'elles se sont procuré.
Cet avis fait état de "très fortes réserves", "voire une condamnation explicite du projet de loi de la part des organisations syndicales et des personnalités qualifiées".
Les féministes ont également rendu publique une lettre adressée par Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes, à François Rebsamen, exprimant ses "vives inquiétudes".
Mme Bousquet s'inquiète de la disparition programmée du RSC, remplacé par "une information en comité d'entreprise". La disparition de cet "outil crucial" pour rendre visibles les inégalités femmes-hommes serait à ses yeux un "contre-signal en matière d'égalité professionnelle".
Elle estime également que "la rédaction actuelle du projet de loi laisse planer un doute sérieux" sur l'application effective des sanctions instaurées fin 2012.
Le salaire horaire net des femmes était, en moyenne nationale, inférieur de 18,4% à celui des hommes en 2010, selon une récente étude du ministère du Travail. A postes et caractéristiques de salariés (âge, qualifications...) identiques, l'écart moyen est réduit de moitié, à 8,6%.