Le ministre britannique des Finances présente son budget mercredi dans un contexte ultra-tendu, entre une croissance ralentie, une déprime du pouvoir d'achat des ménages et un gouvernement qui se déchire sur le Brexit.
L'Office de responsabilité budgétaire (OBR) devrait abaisser en effet sa prévision de croissance pour 2017. De 2,0% estimé en mars, elle devrait se stabiliser juste au-dessus de 1,5%, qui risque de devenir jusqu'à la fin de la décennie le rythme de croisière d'une économie britannique moins dynamique.
Lorsqu'il va sortir du 11 Downing Street muni de sa mallette rouge pour se rendre au Parlement de Westminster, Philip Hammond aura la tâche quasi insoluble de faire plaisir à une population lasse de l'austérité tout en respectant ses engagement de respect des équilibres.
Dix ans après une crise financière qui avait vidé les caisses du Royaume-Uni, parvenir d'ici 2021 à faire passer le déficit public sous les 2% du produit intérieur brut (PIB) comme promis n'est déjà pas chose aisée. Mais dans ce contexte politique, économique et social tourmenté, cela relève du casse-tête.
"La limitation des ressources n'aurait pas pu venir au pire moment pour le chancelier et l'économie britannique", prévient Mark Gregory, économiste en chef au cabinet EY. "La croissance ralentit et la confiance des entreprises se détériore alors que le Royaume-Uni doit investir pour se préparer au Brexit et aux changements technologiques".
Les ménages rechignent à consommer à cause d'une inflation accélérée par la dépréciation de la livre sterling depuis la décision des Britanniques de quitter l'UE. Les entreprises se montrent quant à elles prudentes avant d'investir, inquiète de l'impasse des négociations entre Londres et Bruxelles sur le Brexit prévu le 29 mars 2019.
L'activité est en conséquence trop molle pour permettre au Trésor de constituer le matelas de sécurité financier jugé nécessaire par M. Hammond, afin de franchir les imprévus du Brexit.
D'autant que l'organisme indépendant chargé des prévisions économiques devrait en outre revoir en baisse ses attentes pour la productivité, les entreprises semblant privilégier l'emploi abondant d'une main d'oeuvre bon marché et flexible plutôt que l'investissement dans les machines.
- Menace de renvoi -
Au final et même si le déficit public est plus faible que prévu dernièrement, peu de cadeaux sont à attendre à un mois de Noël de la part du grand argentier, parfois surnommé "Phil l'épicier" à cause de son penchant guindé pour les comptes d'apothicaires.
"Le chancelier Hammond devrait maintenir le cap de l'assainissement budgétaire" avec comme horizon le retour à l'équilibre à la moitié de la prochaine décennie, juge Samuel Tombs, analyste chez Pantheon Macroeconomics.
Les mesures du budget devraient surtout valoir pour leur force symbolique, avec des gestes attendus pour les salaires de certains fonctionnaires, le service public de santé et les jeunes. M. Hammond présentera aussi des mesures pour accélérer la construction immobilière en pleine crise du logement et débloquera des fonds pour la recherche et développement.
Ces mesures risquent néanmoins de ne pas calmer l'impatience. "Les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres", a dénoncé Tom Griffiths, responsable de l'Assemblée du peuple contre l'austérité qui a manifesté mardi soir à Londres. Il a mis en avant l'utilisation croissante des banques alimentaires par des travailleurs désargentés.
La grogne pourrait provenir aussi du propre Parti conservateur de M. Hammond: le gouvernement de Theresa May est terriblement divisé, notamment sur la question du Brexit à propos duquel les discussions s'intensifient autour de la facture de sortie.
"Nous avons toujours accepté le principe que nous aurions des obligations à respecter", a souligné M. Hammond dans une interview au Sunday Times, jugeant logique que Londres fasse un effort financier pour conserver "une relation commerciale étroite avec l'UE".
Moins enclins aux concessions cependant, les ministres favorables à un Brexit "dur" sauteront sur la moindre fausse note au budget pour exiger de Mme May qu'elle renvoie son chancelier, avec qui elle entretient d'ailleurs de froides relations. M. Hammond avait été tout près de prendre la porte en mars, après avoir dû battre en retraite sur une hausse d'impôt annoncée quelques jours auparavant.