PARIS (Reuters) - Le gouvernement va alléger l'obligation d'information préalable des salariés en cas de cession d'une entreprise, une disposition de la loi Hamon sur l'Economie sociale et solidaire vivement contestée par les organisations patronales.
La secrétaire d'Etat au Commerce et à l'Artisanat Carole Delga a déclaré mercredi à Reuters qu'elle déposerait un amendement en ce sens dans le cadre du projet de loi Macron sur la croissance et l'activité, en cours d'examen au Parlement.
Cet amendement reprendra des propositions faites par la députée socialiste Fanny Dombre-Coste dans un rapport remis ce même jour à Carole Delga.
La loi qui porte le nom de Benoît Hamon, un membre de l'aile gauche du PS qui a depuis quitté le gouvernement, a été adoptée dans la foulée de la fermeture des hauts-fourneaux de Florange par le groupe ArcelorMittal, accusé de ne pas chercher de repreneur afin de réduire les capacités de production.
Les articles 19 et 20 de la loi Hamon instaurent dans les entreprises de moins de 250 salariés l'obligation d'informer ces derniers de tout projet de cession de la société. Le but est de permettre aux salariés qui le souhaitent de se porter acquéreur.
Si cette procédure n'est pas respectée, la loi prévoit la possibilité d'annuler la cession à la demande de tout salarié.
"Psychologiquement, le 'risque' n'est pas mince", reconnaît Fanny Dombre-Coste dans son rapport.
Le Medef et la CGPME se sont opposés dès l'origine à ces dispositions qu'ils jugent trop complexes et sources de contentieux et réclament leur abrogation pure et simple. Le gouvernement ne leur donnera que partiellement satisfaction.
Fanny Dombre-Coste propose notamment de supprimer la sanction de nullité de la vente de l'entreprise prévue par la loi Hamon en cas de non respect de l'obligation d'information préalable. Cette sanction sera remplacée par une amende.
L'élue recommande en outre de limiter ces dispositions aux cas de vente, laissant de côté les autres modes de cession, et d'alléger la procédure d'information elle-même.
FAVORISER LA TRANSMISSION DES PME
"Nous allons reprendre les trois propositions de Fanny Dombre-Coste concernant la limitation du droit d'information préalable aux ventes", a déclaré Carole Delga.
"Nous trouvons très intéressant d'avoir une sanction plutôt financière parce que la nullité créait un climat d'incertitude juridique forte et n'était pas un signal très favorable pour le repreneur", a-t-elle ajouté.
La secrétaire d'Etat a cependant récusé toute idée de recul sous la pression du patronat.
"Ce sont des mesures d'adaptation", a-t-elle dit. "Nous maintenons et nous renforçons le droit d'information préalable des salariés en le rendant opérationnel."
"Je ne donne pas raison à Pierre Gattaz (président du Medef). Je donne raison aux salariés" a-t-elle ajouté.
L'amendement, qui sera présenté par le gouvernement le 7 avril au Sénat, lors de la reprise de l'examen du texte sur la croissance et l'activité, reprendra également une proposition de Fanny Dombre-Coste corrigeant un autre article de la loi Hamon.
Dans le cadre de la sensibilisation des salariés aux possibilité de reprise d'une société, prévue une fois tous les trois ans, le chef d'entreprise pourra désormais les informer d'une cession éventuelle dans les 12 mois, ce qui le dispensera de l'application des articles 19 et 20.
Carole Delga a enfin demandé à Fanny Dombre-Coste de lui faire d'ici fin mai d'autres propositions pour favoriser la transmission-reprise des PME et très petites entreprises (TPE).
"Nous avons estimé à au moins 26.000 les emplois supprimés chaque année faute de repreneurs, alors que les entreprises sont viables", a-t-elle expliqué. "La reprise par les salariés est une modalité mais il y a d'autres mesures à mettre en oeuvre."
Ces mesures concerneront notamment le financement et seront présentées lors d'assises de l'entrepreneuriat en juin.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)