Le Parlement a adopté jeudi un texte imposant davantage de femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises, qui devrait mettre progressivement fin à un déséquilibre flagrant dans les instances dirigeantes du monde économique français.
Votée par le Sénat en octobre, cette proposition de loi du patron de l'UMP Jean-François Copé et la députée UMP Marie-Jo Zimmermann a été définitivement entérinée par l'Assemblée.
L'UMP a voté pour, tout comme le PS, qui a regretté cependant un dispositif "pas suffisant". Le Nouveau Centre s'est abstenu, tandis que les députés du groupe GDR (PCF, Verts et PG) ont voté contre.
Le texte instaure des quotas qui entreront en vigueur par étapes: 20% de femmes minimum dans les conseils d'administration des entreprises, établissements publics à caractères administratif, industriels et commerciaux d'ici janvier 2014, et 40% d'ici janvier 2017.
Les conseils d'administration sans femme devront en nommer au moins une dans les six mois suivant la promulgation du texte.
Outre les 650 sociétés cotées, sont aussi concernées les sociétés employant au moins 500 salariés ou réalisant un chiffre d'affaires d'au moins 50 millions d'euros.
Le non respect des quotas entraînera des sanctions: la nullité des nominations contraires aux principes énoncés et la suspension temporaire des jetons de présence.
La ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot, a salué le "signal puissant" envoyé par cette loi.
"C'est une révolution", s'est réjouie de son côté Brigitte Grésy, auteure en 2009 d'un rapport sur l'égalité professionnelle, qui prônait la quasi parité dans les conseils d'administration.
Une loi était-elle pour autant indispensable? Dans leur code de gouvernance, le Medef et l'Association française des entreprises privées (Afep) ont recommandé l'an dernier aux entreprises cotées de promouvoir les femmes au sein des conseils d'administration.
"Mais ce code n'est pas contraignant", a rappelé Brigitte Grésy.
La présidente du Medef, Laurence Parisot, a salué jeudi une "belle nouvelle pour la parité et la valorisation des femmes dans les entreprises".
"Il existe des moments où seul le coup de pouce, tel que le quota, peut débloquer des situations injustes", a-t-elle jugé.
"L'évolution des mentalités est tellement lente que s'il faut passer par une loi, pourquoi pas?", a estimé de son côté Tita A. Zeïtoun, à la tête de l'association Action de femme, qui promeut une plus grande féminisation des hauts lieux de décision.
Cela va permettre, selon elle, "une redistribution des cartes, davantage de diversité".
Depuis le dépôt du texte au Parlement il y a un an, le taux de féminisation des conseils d'administration a d'ailleurs déjà progressé. "Parce que la loi était déjà dans les tuyaux, de nombreux hommes ont voulu éviter d'être montrés du doigt", a estimé Mme Zeïtoun.
Le taux est ainsi passé de 10,5% en 2009 à 15,3% en juin 2010, selon le dernier baromètre du cabinet Capitalcom.
La France reste toutefois loin de la Norvège (environ 40%), qui a légiféré avec succès en 2003, alors qu'elle ne comptait que 7% de femmes dans la haute hiérarchie des entreprises.
Emboîtant le pas de la Norvège, l'Espagne a fait voter en 2007 une loi imposant à partir de 2015 au moins 40% de femmes dans les CA des grandes entreprises.
La nouvelle loi conduira à nommer 181 femmes dans les conseils d'administration pour atteindre 20% de femmes, a calculé Tita A. Zeïtoun, ne doutant pas que "la France regorge de femmes extrêmement compétentes".