Le patron d'EDF a encore plaidé jeudi pour une hausse de 20% des tarifs d'électricité sur 3 ans malgré la polémique suscitée par cette demande après le succès de son emprunt public et la prudence affichée par le gouvernement.
"Pour cesser de nous endetter, il faudrait une hausse de 20% des tarifs" étalée sur trois ou quatre ans, lançait mercredi Pierre Gadonneix dans Paris-Match.
Il est revenu à la charge jeudi sur RTL en assurant que cela représentait "de 2 à 3 euros par mois" de plus sur la facture des ménages.
Le numéro un d'EDF fait valoir que l'électricité en France est "30 à 40% moins chère que dans les autres pays européens" et que sans rattrapage, le groupe, lourdement endetté, ne pourra pas financer ses nombreux investissements.
M. Gadonneix "+fait campagne+" pour, une fois encore, tenter de sensibiliser les pouvoirs publics à ce qu'il estime être le véritable coût de +son+ électricité nucléaire à venir", décrypte Patrice Lambert, analyste de CM-CIC Securities.
Mais le gouvernement, qui assure avoir appris cette demande par la presse, a cherché à calmer le jeu sur un sujet que la crise rend encore plus sensible.
"Quand on veut des étoiles, on demande la lune", a commenté dans la matinée la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, estimant n'être "absolument pas liée par les appréciations" d'EDF dont l'Etat est toujours actionnaire majoritaire.
Revenant sur le sujet au Sénat, elle a toutefois dit qu'il fallait "envisager des hausses tarifaires" pour financer les investissements d'EDF.
Mais, par la suite, dans un communiqué commun, Christine Lagarde et le ministre de l'Ecologie et de l'Energie Jean-louis Borloo ont "exclu une progression trop rapide" des tarifs, rappelant que s'agissant d'une éventuelle hausse en 2009, "aucune décision n'a été prise par le gouvernement sur son opportunité et son niveau".
A gauche, la demande d'EDF, formulée le jour même où le groupe annonçait avoir levé 3,2 milliards d'euros, trois fois plus qu'attendu, grâce à son emprunt auprès de particuliers, a suscité de vives critiques, le PS dénonçant la "grande hypocrisie" et le "cynisme" de son PDG et les Verts un "racket de consommateurs captifs"
Cette concomitance choque aussi François Carlier de l'UFC-Que Choisir: "les intérêts que les particuliers qui ont souscrit à l'emprunt d'EDF vont toucher leur serviront à payer la hausse des factures!".
Les syndicats sont aussi montés au créneau jeudi.
"Si c'est pour financer des projets à l'étranger, une hausse des tarifs est complètement inacceptable!", a jugé Marie-Claire Cailletaud de la fédération CGT mines-énergie. Pour la fédération FO, cela "frise le scandale social et économique".
Profitant de l'ouverture des marchés de l'énergie, EDF, qui veut investir au total 12 milliards d'euros en 2009, a été particulièrement actif ces derniers mois hors de l'Hexagone, avec le rachat de British Energy, un rapprochement avec l'américain Constellation Energy et la prise de contrôle du belge SPE.
Ces grands projets ont gonflé rapidement sa dette, qui a explosé en 2008 à 24,5 milliards d'euros.
Annoncée généralement durant l'été, la revalorisation des tarifs réglementés est décidée par le gouvernement, après avis d'EDF et de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). En 2008, elle avait été de 3% en moyenne et de 2% pour les particuliers.
D'après le "contrat de service public" passé en 2005 entre EDF et l'Etat jusqu'en 2010, "l'évolution des tarifs aux particuliers ne sera pas supérieure au taux de l'inflation". Pour 2009, le gouvernement table sur une inflation limitée à 0,4%.