Par Alessandro Albano
Investing.com - Au cours des deux dernières années, le MOEX a été l'un des indices les plus performants parmi les marchés émergents. C'était le cas jusqu'à il y a un mois. Après le début des opérations militaires "spéciales" de la Russie en Ukraine - comme les a qualifiées le président Poutine - les marchés financiers russes n'ont pas trouvé une seconde de répit, ce qui a incité la banque centrale de Moscou à fermer la bourse pour éviter un "bain de sang" financier compte tenu des 40 % perdus en une seule séance.
Les investisseurs ne pouvant accéder aux marchés du pays, le rouble a atteint des niveaux historiquement bas par rapport au dollar et aux autres devises occidentales, les obligations d'État à 10 ans ont augmenté de 400 points de base en l'espace de quelques jours et le coût du risque, mesuré par les CDS sur la dette, a atteint des sommets historiques. En plus de cela, les taux d'intérêt ont doublé pour atteindre 20 %.
Le Dow Jones Russia, un indice qui fournit des informations sur l'évolution des actions russes après la reprise des échanges et qui reproduit les certificats de dépôt russes négociés à la Bourse de Londres, a perdu 98 % de sa valeur après que les ADR russes cotés sur Paternoster Square (NYSE:SQ) ont tous perdu plus de 90 % mercredi.
Une situation d'urgence financière a contraint la Bourse de Londres à suspendre la négociation des 27 sociétés russes cotées sur Paternoster Square, évinçant du marché des entreprises russes de premier plan telles que Sberbank (LON:SBNCyq) et Gazprom (LON:GAZPq).
Moscou se dirige vers le défaut de paiement ?
L'énorme coût de la dette, la dévaluation de la monnaie locale et le gel des avoirs étrangers imposé par les pays occidentaux à la banque centrale russe ont accru les craintes des opérateurs quant à la viabilité de la dette russe.
Ces craintes ont également été renforcées par la décision de la banque centrale de ne pas verser d'intérêts sur les obligations arrivant à échéance aux investisseurs étrangers "afin d'éviter les ventes massives de titres russes, le retrait de fonds du marché financier russe et de soutenir la stabilité financière".
Selon Nick Eisinger, responsable des produits à revenu fixe EM chez Vanguard AM, cette décision entraînera "un défaut technique" et pour Moody's, elle démontre l'incapacité de Moscou "à rembourser sa dette, même sur le marché local".
L'agence Moody's elle-même, dans le cadre d'une action combinée avec Fitch Ratings, a dégradé la dette russe de six crans en la classant dans la catégorie "non investment grade", c'est-à-dire "junk", en invoquant une solvabilité douteuse comme source de préoccupation.
Qui investit ?
En plus de tout cela et des autres sanctions imposées par l'Occident (comme le blocage de certaines banques russes par Swift), de nombreuses entreprises ont décidé ces derniers jours de vendre leurs actifs ou leurs participations dans des coentreprises russes, comme le géant britannique BP (LON:BP), Shell (AS:SHEL) et Equinor (OL:EQNR),
Mais pas seulement. L'isolement économique croissant de Poutine entraîne un exode général des entreprises occidentales de la région. Des groupes tels que Ford (NYSE:F), General Motors (NYSE:GM), Volkswagen (DE:VOWG_p) et d'autres grands noms du secteur ont annoncé qu'ils cesseraient d'exporter des voitures en Russie, suivis par des géants du transport tels que la société danoise Maersk, qui ont décidé de ne plus envoyer de conteneurs sur le territoire russe.
Au niveau technologique, les choses ne semblent pas s'arranger non plus. YouTube, Microsoft (NASDAQ:MSFT), Facebook (NASDAQ:FB) et même le chinois TikTok ont dit stop à la propagande médiatique de Moscou sur leurs plateformes, tandis que de grands groupes bancaires comme Société Générale (PA:SOGN) ont cessé de traiter avec le marché russe malgré leur exposition à celui-ci.
Conséquences profondes du conflit
"La guerre en Ukraine modifie le paysage géopolitique et économique, avec des conséquences profondes pour la croissance et les marchés mondiaux", écrit Stéphane Monier, Chief Investment Officer chez Lombard Odier, dans une note de recherche.
Les sanctions des gouvernements occidentaux isolent de plus en plus la Russie en raison de l'invasion qui, selon Monier, "conduira la Russie à la récession, sapant ses perspectives à court et à long terme".
"Les opérations internationales des autorités russes ont été réduites. La banque centrale a doublé ses taux d'intérêt et a vu environ la moitié de ses réserves étrangères gelées. Notre prédiction est que le pays sera confronté à une récession", a expliqué le directeur de la banque genevoise.
D'autre part, les sanctions occidentales ont eu un effet boomerang sur les prix des matières premières, le pétrole brut, le blé et le gaz atteignant des prix records. Pour M. Monier, ces hausses sont "appelées à augmenter, ce qui aura pour effet d'accroître l'inflation et de ralentir la croissance dans le reste du monde".
En termes de portefeuille, a-t-il ajouté, "avec une volatilité accrue et une géopolitique floue, nous gérons activement les expositions au risque, en réduisant les positions en actions européennes et en obligations convertibles, tout en augmentant l'exposition aux matières premières en général."