La nouvelle patronne du FMI, Christine Lagarde, devra attendre encore un mois avant de savoir si elle fera ou non l'objet d'une enquête pour son rôle dans l'affaire Tapie, la Cour de Justice de la République (CJR) ayant décidé vendredi de reporter sa décision au 4 août.
Le procureur général près la Cour de Cassation, Jean-Louis Nadal, avait saisi en mai la commission des requêtes de la CJR, considérant qu'il existait des éléments susceptibles de caractériser un "abus d'autorité" de l'ancienne ministre française de l'Economie dans un arbitrage rendu en juillet 2008, favorable à Bernard Tapie dans son long conflit avec le Crédit Lyonnais.
Le parquet général reproche à Mme Lagarde d'avoir recouru à un arbitrage, une procédure privée, alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de l'éventuelle partialité de certains juges-arbitres et de ne pas avoir exercé de recours contre la sentence, alors que plusieurs spécialistes l'y encourageaient.
Vendredi matin, le président de la commission des requêtes, Gérard Palisse, a indiqué qu'un membre de la commission des requêtes avait "fait connaître tardivement qu'il était dans l'obligation de se récuser".
Il s'agit de la magistrate à la Cour des comptes Laurence Fradin qui aurait préféré se récuser car elle a eu à connaître du dossier Tapie à la Cour des comptes. Ce désistement tardif est surprenant car la commission des requêtes est saisie de ce dossier depuis deux mois.
Quant au "membre suppléant qui aurait pu le substituer", selon M. Palisse, il s'est dit "dans l'impossibilité de le remplacer immédiatement sans connaissance du dossier".
Nommée il y a dix jours à la tête du FMI, Christine Lagarde devra attendre encore un mois pour savoir si son mandat international sera jalonné par une enquête judiciaire dans le dossier de l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie au sujet de la vente litigieuse d'Adidas par le Crédit Lyonnais en 1993.
En juillet 2008, un tribunal arbitral avait condamné le Consortium de réalisation (CDR), qui gère le passif du Crédit Lyonnais, à verser quelque 400 millions d'euros à Bernard Tapie. Alors qu'au début de l'affaire, Bernard Tapie assurait qu'il ne toucherait "à la louche" que 20 à 25 millions d'euros, il aurait, selon certains parlementaires, récupéré plus de 200 millions d'euros.
Mercredi sur France 24, Christine Lagarde se montrait confiante : "Que la commission des requêtes décide ou non de poursuivre ou non les investigations, j'ai exactement la même confiance et la même sérénité".
Trois options sont envisageables le 4 août: la commission classe sans suite; elle demande des documents supplémentaires; elle rend un "avis favorable" à une enquête. Le procureur général près la Cour de cassation serait alors tenu de saisir la commission d'instruction.
Seulement, le procureur général M. Nadal est parti à la retraite le 30 juin et n'a pas été remplacé, un intérim susceptible d'offrir encore un répit à Mme Lagarde.
Vendredi, la Chancellerie a proposé le nom de Jean-Claude Marin, actuel procureur de Paris, pour lui succéder. Le CSM pourrait rendre sa décision sur cette proposition le 19 juillet.
Une enquête de la commission d'instruction pourrait aboutir au renvoi de la patronne du FMI devant la CJR, chargée de juger les crimes et délits commis par les membres du gouvernement "dans l'exercice de leurs fonctions".
S'il y a enquête, elle sera longue et, le cas échéant, Mme Lagarde ne serait pas jugée avant plusieurs années. Depuis sa création en 1993, la CJR a examiné plus d'un millier de plaintes et jugé six ministres.