L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a condamné jeudi certaines aides de Washington à son champion de l'aéronautique Boeing, quelques mois après avoir dénoncé des subventions européennes à Airbus renvoyant dos-à-dos les deux rivaux de l'aviation.
Le jugement de l'OMC confirme les conclusions qui ont été transmises de manière confidentielle le 31 janvier aux Etats-Unis et à l'Union européenne, qui représentent Airbus et Boeing dans le dossier le plus lourd et le plus complexe jamais porté devant le gendarme du commerce mondial.
Selon le rapport de près de 1.000 pages publié jeudi, les Etats-Unis ont subventionné leur avionneur à hauteur de 5,3 milliards de dollars entre 1989 et 2006.
Des aides illégales concernent pour 2,6 milliards de dollars des contrats de recherche et développement via la Nasa, expliquent les juges qui n'ont en revanche pas pu chiffrer le montant des subventions accordées par le Département de la Défense.
Selon l'ORD, les exonérations fiscales dont a bénéficié Boeing ont également constitué "des subventions à l'exportation" ayant atteint sur la période 2,2 milliards de dollars.
Enfin, il pointe du doigt des aides reçues d'Etats comme l'Illinois, le Kansas et Washington.
Au final, les juges estiment que ces mesures ont "annulé ou compromis des avantages" résultant des règles de l'OMC pour l'Union européenne et appelle les Etats-Unis à prendre "des mesures appropriées pour éliminer les effets défavorables" ou retirer les subventions en cause.
Ce verdict de l'OMC était très attendu, neuf mois après un premier jugement condamnant partiellement les aides européennes à Airbus.
guerre Comme en juin pour la filiale d'EADS, la condamnation de l'OMC a été partielle, ne portant que sur une partie des 24 milliards dollars de subventions déguisées dénoncées par Bruxelles.
Et comme il y a neuf mois, toutes les parties en ont profité pour clamer leur victoire.
Le jugement de l'OMC "montre clairement que Boeing a reçu des subventions énormes dans le passé et continue à recevoir des subventions significatives aujourd'hui", s'est félicité le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht estimant à des milliards d'euros le préjudice.
"La vérité éclate enfin: Boeing a reçu et continue de recevoir des aides qui ont un effet bien plus grave en termes de distorsion du marché que les avances remboursables accordées à Airbus", a insisté le directeur de la communication d'Airbus, Rainer Ohler.
Les Etats-Unis et Boeing ont gardé la tête haute, assurant de leur côté que la condamnation ne portait que sur 20% de la longue plainte européenne.
Surtout, selon eux, le montant mis en cause est de 2,7 milliards de dollars et non 5,3 milliards, les Américains estimant que les exonérations fiscales ne peuvent être prises en compte dans le calcul dans la mesure où elles n'existent plus.
Pour la partie américaine, il s'agit en tout état de cause d'une pacotille face aux "20 milliards de dollars de subventions illégales accordées à Airbus".
"Les subventions des Européens à Airbus dépassent de loin tout ce que le gouvernement américain fait pour (soutenir) Boeing", a martelé le représentant américain au Commerce, Ron Kirk.
Les deux verdicts font au final figure de match nul, plus de 6 ans après le début de la guerre entre les deux avionneurs.
Désormais renvoyés dos-à-dos, ils n'ont malgré tout pas dit leur dernier mot.
Selon des sources proches du dossier, Bruxelles et Washington ne devraient pas manquer de faire appel comme pour le dossier Airbus.
Ces nouvelles procédures devraient leur permettre de gagner encore du temps sur leurs programmes et éloigner les perspectives de mesures de rétorsion même si les analystes s'accordent pour estimer qu'à terme une trêve est inévitable.