PARIS (Reuters) - Amedy Coulibaly, qui a tué cinq personnes la semaine dernière à Montrouge et Paris, était un détenu "exemplaire" avant sa libération en mai 2014, a déclaré lundi le porte-parole du ministère de la Justice, soulignant la difficulté de la lutte contre la radicalisation en prison.
Chérif Kouachi, auteur avec son frère Saïd de l'attaque armée contre Charlie Hebdo qui a fait 12 morts, ne s'est pas non plus distingué en détention par des appels à la prière ou au djihad, même si quelques "gestes de mauvaise humeur" ont émaillé sa détention, a ajouté Pierre Rancé.
"Ce sont des détenus qui en prison ne posent pas particulièrement de problèmes", a-t-il dit à la presse.
Mis à part un incident au début de sa détention, quand il a été interpellé avec un téléphone portable, "Amedy Coulibaly a un comportement en détention qu'on peut qualifier d'exemplaire", a-t-il ajouté.
L'auteur de la prise d'otages dans une épicerie casher près de la porte de Vincennes, incarcéré cinq fois entre 2000 et 2014 notamment pour une affaire de stupéfiants et la tentative d'évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, condamné à perpétuité pour l'attentat du RER C de 1995, a ainsi suivi deux formations, participé à des activités culturelles et sportives et "donné des gages de réinsertion", selon le porte-parole.
Les autorités françaises sont mises en cause après les failles révélées par la série d'attentats qui a fait 17 morts en trois jours, deux des trois criminels tués par la police ayant un lourd passé judiciaire, voire djihadiste.
Chérif Kouachi, condamné en mai 2008 à trois ans de prison dont 18 mois avec sursis pour sa participation à une filière d'envoi de combattants vers l'Irak, était notamment sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français quand il s'est rendu au Yémen en 2011, a dit lundi le ministère de la Justice.
NOUVELLE EXPÉRIMENTATION
La Chancellerie s'est toutefois défendue de failles dans la durée des détentions effectives de deux des auteurs des tueries.
Amedy Coulibaly, condamné en décembre 2013 à cinq ans de prison et sorti cinq mois plus tard, a bien passé quatre ans derrière les barreaux, conformément à ce que prévoit le droit pénitentiaire avec les remises de peine, si l'on prend en compte sa détention provisoire, a souligné Pierre Rancé. "La durée de sa détention et sa libération sont tout à fait conformes à ce qui a été prononcé par les juridictions", a-t-il dit.
Quant à Chérif Kouachi, c'est libre qu'il a comparu lors de son procès en 2008 pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, ayant déjà purgé sa peine de prison ferme en détention provisoire.
Malgré un bureau du renseignement pénitentiaire qui fait remonter quotidiennement des informations sur les 152 personnes écrouées en lien avec le djihad, les autorités peinent à lutter contre la radicalisation en prison, face à des individus qui font en sorte de ne pas être repérés, reconnaît-on au ministère de la Justice.
Un nouveau programme visant à entraver le discours radical en milieu carcéral sera ainsi expérimenté à partir de vendredi dans deux établissements de la région parisienne à l'issue d'un appel d'offres lancé en novembre dernier, a annoncé le porte-parole. Son contenu n'a pas encore été révélé.
Le directeur de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) teste déjà depuis la mi-octobre un regroupement des détenus déjà radicalisés -- 23 détenus à ce jour --, une idée reprise lundi par le Premier ministre, Manuel Valls.
Les premiers effets de cette expérimentation sont "positifs", avec une détention qui semble apaisée dans le reste de l'établissement, souligne-t-on à la Chancellerie, jusque-là réservée sur cette idée.
(Chine Labbé, édité par Sophie Louet)