Un an après son arrivée triomphale au pouvoir, le gouvernement japonais de centre-gauche est devenu impopulaire, aux prises avec des divisions internes qui entravent son action face à la crise économique.
En l'espace de 12 mois depuis sa large victoire aux élections législatives du 30 août qui a mis fin au règne d'un demi-siècle des conservateurs, le Parti Démocrate du Japon (PDJ) a déjà changé deux fois de Premier ministre et pourrait bien en nommer un troisième dans les prochaines semaines.
Ce parti, qui avait promis aux électeurs de faire de la politique autrement, n'a pas réussi à imposer une rupture avec les pratiques de ses prédécesseurs du Parti Libéral-Démocrate (PLD, conservateur): même scandales politico-financiers, même lutte entre factions pour le pouvoir, au détriment de l'intérêt du pays.
"Mais qu'est-ce que ces gens sont en train de faire? Beaucoup d'électeurs doivent être dégoûtés", écrivait récemment le journal Asahi Shimbun, pourtant classé centre-gauche, en dénonçant "les luttes intestines pour le pouvoir".
Nommé il y a à peine trois mois, le Premier ministre Naoto Kan, 63 ans, voit déjà sa position menacée par un redoutable tacticien de son propre parti, Ichiro Ozawa, 68 ans, dont la réputation est entachée par des scandales de financement occulte.
Le 14 septembre aura lieu l'élection du président du PDJ, qui en tant que parti majoritaire peut ensuite faire élire au Parlement le candidat de son choix au poste de Premier ministre.
Yukio Hatoyama, chef du PDJ lors de la victoire aux législatives, avait ainsi été désigné en septembre 2009 premier chef de gouvernement de centre-gauche, avant de démissionner moins de neuf mois plus tard pour incapacité à gouverner et soupçons d'implication dans un scandale politico-financier.
M. Kan lui a succédé en juin à la faveur d'une élection partielle à la présidence du PDJ, mais il doit remettre en jeu son mandat dans deux semaines lors du scrutin ouvert cette fois-ci à tous les membres du parti.
S'il perd, M. Ozawa deviendrait le sixième Premier ministre japonais en l'espace de quatre ans et le troisième en un an seulement, aggravant encore l'image d'instabilité du pays sur la scène internationale.
Cette lutte fratricide intervient surtout au moment où le Japon peut difficilement se permettre de perdre du temps dans des querelles stériles.
La croissance économique s'est ralentie au deuxième trimestre, avec un rythme annualisé de 0,4%, ce qui a permis à la Chine de ravir au Japon la place de deuxième puissance économique mondiale.
Déjà plombé par une consommation intérieure atone, la déflation, une population vieillissante et une dette publique colossale, le Japon doit désormais faire face à une hausse vertigineuse de sa monnaie qui rend ses exportations moins compétitives.
Le PDJ a déjà renoncé à beaucoup de ses généreuses promesses électorales, comme les allocations familiales ou la gratuité des autoroutes, et prône désormais la rigueur budgétaire.
Mais son discours réaliste sur la nécessité d'augmenter la taxe sur la consommation, actuellement de 5%, lui a fait perdre les élections sénatoriales.
"Avec un Parlement divisé, vous devez trouver des moyens de coopérer avec l'opposition, sinon vous ne pouvez pas faire adopter de lois. C'est un défi nouveau pour la politique japonaise", souligne Shujiro Kato, professeur à l'Université Toyo.
"Le changement de gouvernement a révélé que la différence entre le PDJ et le PLD n'était pas si grande", estime Hiroshi Hirano, professeur à l'Université Gakushuin.