Le gouvernement a de nouveau défendu jeudi le Crédit d'Impôt "Recherche" (CIR), en mettant en avant un rapport favorable à son maintien, mais des parlementaires entendent toujours corriger les effets pervers de ce dispositif créé pour doper l'innovation.
"Un système indispensable si nous souhaitons maintenir, ancrer et attirer sur le territoire français des centres de recherche et développement" (R&D), c'est un nouveau plaidoyer pour le dispositif qu'a lancé la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, lors d'une visite sur le site de R&D de l'équipementier téléphonique Alcatel-Lucent de Villarceaux (Essonne).
Créé en 1983 et relancé en 2008, le CIR permet aux entreprises de déduire une partie de leurs investissements de R&D de l'impôt sur les sociétés.
Depuis des semaines, le gouvernement martèle que cette niche fiscale, bien que très coûteuse (4 milliards d'euros prévus pour 2010), ne passera pas sous son coup de rabot, au motif qu'elle soutient l'innovation.
Un rapport de l'Inspection générale des Finances (IGF) rendu public jeudi est venu conforter sa décision, en préconisant une "stabilité du dispositif".
"Il y va de l'efficacité même du CIR, qui ne peut stimuler la dépense en recherche et développement des entreprises, programmée à moyen/long terme, que s'il est perçu comme suffisamment durable", affirme l'IGF.
Peu de voix s'élèvent pour contester l'intérêt d'un système qui a permis de relancer l'effort de recherche privée en France.
"C'est une véritable avancée", juge Jean-Eudes du Mesnil, de la Confédération générale des petites et moyennes Entreprises, se félicitant que 8.000 entreprises petites et moyennes en bénéficient.
"Pour une fois, on a une mesure qui répond à un vrai problème de compétitivité", estime aussi Pierre Nanterme, un dirigeant du Medef. "C'est par plus d'innovation qu'on générera plus de croissance et la France est en retard sur la recherche", ajoute-t-il.
Des effets pervers ou dysfonctionnements ont toutefois été mis en lumière et plusieurs députés entendent bien les corriger.
Selon la Cour des comptes, le CIR "avantage plutôt le secteur des services", notamment bancaires, au détriment de l'industrie. Et un récent rapport parlementaire souligne qu'il peut être dévoyé par des grands groupes via des "stratégies d'optimisation fiscale".
Le CIR est en effet plafonné à cinq pour cent au-delà de 100 millions d'euros de dépenses déclarées, un montant souvent dépassé par les grandes entreprises. Ces dernières répartissent donc parfois entre plusieurs filiales leurs dépenses de R&D pour rester en-dessous de ce plafond et bénéficier du taux de 30% applicable dans ce cas de figure.
"C'est un dispositif très efficace sur le plan économique, mais nous avons l'intention de le revisiter" pour éviter les effets d'aubaine pour les grands groupes, prévient l'UMP Philippe Marini, rapporteur du budget au Sénat.
"Il y aura des amendements pour supprimer le CIR pour les investissements qui dépassent 100 millions d'euros, et qui coûtent 600 millions à l'Etat", renchérit le président centriste de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis.
Prévoyant "beaucoup d'amendements" au projet de budget sur ce sujet, Christine Lagarde a mis en garde jeudi contre les conséquences d'une réforme partielle du CIR, qui risque de le "déstabiliser".