Réunis au salon professionnel des fruits et légumes de Méditerranée (Medfel), les producteurs européens habituellement confrontés à la saisonnalité et aux difficultés logistiques de leur production, y ajoutent cette année l'embargo russe sur les exportations européennes.
C'est pourquoi, le Medfel qui se tient à Perpignan jusqu'à jeudi a déroulé le tapis rouge à de nombreux acheteurs européens, mais également à des grossistes venus d'Inde, du Vietnam ou encore du Pérou dans le but de diversifier les débouchés des fruits et légumes européens.
"Toutes les marchandises européennes qui n'ont pas été écoulées en Russie se sont retrouvées sur le micro-marché européen", explique Eric Bompieyre, directeur commercial de Teraneo, une coopérative des Pyrénées Orientales.
Et pour les pêches et nectarines, dont le Languedoc Roussillon est le premier producteur français, "10% de surproduction peuvent déstabiliser le marché", ajoute-t-il.
L'embargo sur les exportations agroalimentaires européennes a été imposé en août dernier par Moscou dans le cadre de la crise ukrainienne.
Son impact se ressent même chez les producteurs de fruits et légumes qui n'exportaient pas vers la Russie, par ricochet.
Pour le directeur général du marché de Padoue en Italie, Francesco Cera, l'embargo "n'est pas une tragédie" car la Russie ne représentait que 10 à 12 millions d'euros sur les 250 millions de produits agricoles facturés par ce marché.
Mais, "tout le monde est à la recherche d'un nouveau débouché, les Italiens, les Français, les Polonais. Et ce n'est pas facile de trouver un nouveau pays" pour l'exportation, explique-t-il.
Un peu moins de 10% des exportations agricoles de l'Union européenne sont destinées à la Russie. Il s'agit principalement de fruits et légumes, fromage et viande de porc.
Pour ne pas se couper totalement du marché russe, une acheteuse russe, Julia Vityazeva, était également invitée au Medfel. Mais si cette spécialiste des fruits et légumes européens s'est déplacée à Perpignan cette année, c'est pour rencontrer les producteurs d'autres pays méditerranéens.
"Je travaillais déjà avec la Tunisie, le Maroc ou encore l'Argentine, mais c'était pour de petites quantités", explique-t-elle.
- L'innovation comme parade -
"Nous avons fait des visites pour les acheteurs pour l'huile d'olive et les dattes, et on nous a demandé à deux reprises de participer à un salon à Moscou", indique en effet Jamel Bachtobji de l'Agence de promotion des investissements agricoles (Apia) de Tunisie.
L'embargo "nous a peut-être aidé à nous orienter vers la Russie", admet-il. "C'est un marché très intéressant".
Pour les oranges et les dattes, la Tunisie a des clients réguliers et "durables" dont la France. Mais, "pour d'autres fruits et légumes nous cherchons des gens qui s'y intéressent".
Mais le marché russe est peut-être moins miraculeux qu'il n'y parait pour les pays hors Europe.
"La Russie était devenue très importante dans notre clientèle, et nous avons cherché à réduire ses parts de marché. Nous nous sommes limités à 3 ou 4 grands groupes sérieux", avec des garanties de paiements, explique la représentante d'un grand groupe agricole marocain.
"La Russie est intéressante, mais en terme de paiement il faut vraiment choisir ses clients", assure-t-elle, ajoutant qu'il ne faut pas hésiter à faire payer 90% de la somme avant d'envoyer les produits.
Face à ce marché chamboulé, les producteurs de fruits et légumes doivent donc toujours innover pour trouver les variétés qui satisferont le client.
Pour l'abricot, "on cherche la qualité gustative, mais aussi un produit qui se tient en rayon et dans les transports", explique René Grobusch, gérant d'une entreprise de commerce de gros luxembourgeoise en visite dans un des vergers de la coopérative.
De plus, "nous cherchons à avoir la même qualité en début et en fin de saison", ajoute l'acheteur luxembourgeois.