Les députés de la majorité et du centre ont soutenu jeudi la demande de Jean-Yves Le Drian de renforcer sans tarder les moyens des armées face aux nouveaux défis sécuritaires, mais Les Républicains (ex-UMP) ont critiqué "l'improvisation" de l'exécutif après les attentats de janvier.
L'Assemblée débattait de l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM) 2015-2019, qui prévoit 3,8 milliards d'euros supplémentaires pour la Défense entre 2016 et 2019. Le vote solennel sur le texte sur aura lieu mardi 9 juin.
L'actualisation de la LPM, qui définit les grands objectifs et les moyens de la politique de défense, a été imposée par les attentats de janvier et le déploiement express de 10.000 soldats devant des lieux de culte, notamment juifs (opération Sentinelle).
François Hollande a décidé de pérenniser la mobilisation militaire sur le territoire national, à raison de 7.000 hommes, un dispositif qui peut être relevé à 10.000 hommes pendant un mois, en renfort de la police et de la gendarmerie.
Cette mobilisation massive, qui implique des rotations accélérées, risquait de "menacer la qualité de l’entraînement et de la préparation des hommes", d'où la nécessité de voter "en urgence ce texte", a justifié le ministre de la Défense.
Plusieurs députés Les Républicains ont estimé comme Olivier Audibert-Troin que "le compte n'y était pas" ou comme Jean-Frédéric Poisson que cette opération Sentinelle était "démotivante" pour les officiers.
- Des associations de militaires -
Toute la droite n'a pas suivi cependant la consigne d'opposition. François Cornut-Gentille, rapporteur de la commission des Finances des crédits de la défense, s’abstiendra car "voter contre, c'est se laisser conduire par un esprit partisan en refusant de voir des inflexions pourtant significatives". L'UDI votera de son côté mardi pour.
Avec ce texte, la France rejoint la liste des nombreux pays européens relevant leurs dépenses militaires face aux nouvelles menaces et au besoin de modernisation de leurs armées.
Les suppressions de postes massives de ces dernières années vont être ralenties et les effectifs de la force opérationnelle de l'armée de Terre - les unités de combat - renforcés de 66.000 à 77.000 hommes. Ce ne sont plus 33.000 postes qui seront supprimés sur la période 2014-2019 mais 15.000.
Le budget supplémentaire de 3,8 milliards d'euros servira essentiellement à financer des emplois (2,8 milliards) et des équipements (hélicoptères Tigre, NH90, avions de transport et ravitaillement américains C130..). En 2015, le budget de la Défense est de 31,4 milliards d'euros.
Le président Hollande, décidé à graver dans le marbre les moyens des armées, a aussi mis fin au recours aux ressources extrabudgétaires - via par exemple la vente de fréquences hertziennes - jugées trop incertaines, qui seront remplacées par des crédits budgétaires sonnants et trébuchants. Il y va de 6,2 milliards d'euros sur la période 2015-2019.
L'Assemblée a approuvé des amendements de Jean-François Lamour (Les Républicains) pour introduire le cas échéant dans la loi une "clause de sauvegarde" garantissant les investissements si des ressources attendues, comme celles de cessions immobilières, n'étaient pas au rendez-vous.
Les députés ont rejoué également des débats traditionnels sur la politique étrangère autour de clivages opposant d'un côté souverainistes de gauche et de droite pro-russes et anti-Otan, et de l'autre des socialistes, écologistes et centristes partisans de l'Europe de la défense.
Ils ont adopté un amendement de l'UDI Philippe Folliot visant à "engager un débat avec nos partenaires européens sur la possibilité de créer un pôle de défense européenne à Strasbourg" dans le but "d'intégrer la formation de militaires des Etats membres".
L'Assemblée a également approuvé la mise en place d'un droit d'association pour les militaires dont l'interdiction avait valu à la France d'être condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. La création de syndicats reste en revanche interdite, de même que le droit de grève et de manifestation.
Le texte instaure enfin l'expérimentation pour deux ans du service militaire volontaire (SMV), nouvelle piste d'insertion professionnelle pour des jeunes en difficulté sur le modèle du Service militaire adapté (SMA) outremer. Ce service sera expérimenté à la rentrée en Lorraine puis dans l'Essonne et à La Rochelle en 2016. Il pourra concerner 300 jeunes d'ici fin décembre et un millier ensuite.