Le fabricant de céramique culinaire Emile Henry, dont les origines remontent à 1850, a trouvé un second souffle grâce à l'export, où il écoule désormais 80% de sa production en capitalisant sur l'attractivité de la gastronomie française.
Plus encore que le "made in France", cette société bourguignonne de 200 salariés entend jouer la carte du "100% Marcigny", son village d'origine de 2.000 âmes au coeur du Brionnais (Saône-et-Loire).
"J'y tiens dur comme fer ! Il n'y a qu'en produisant en France que je peux dessiner une pièce et l'avoir quatre jours après", estime le patron Jean-Baptiste Henry, ingénieur centralien de 37 ans, qui a succédé à son père en 2012.
Car la tradition au sein de cette entreprise familiale, transmise de père en fils depuis six générations, veut que ce soient les dirigeants successifs qui dessinent les produits, en prenant en compte "l'historique de la marque, les dimensions, le contexte du marché".
Innover avec ce matériau, connu depuis des millénaires, relève pourtant du défi car on se heurte aux "problèmes d'épaisseur et d'angles", fait remarquer le trentenaire au caractère réservé.
Les prototypes sont ensuite sculptés à la main et les moules fabriqués sur place. Six à sept nouveautés sont créées chaque année.
Dans l'usine, la "barbotine", mélange d'argile, de sable et d'eau, dont la composition est un secret farouchement gardé, est injectée dans les moules accolés les uns aux autres sur plusieurs mètres.
Une fois le séchage effectué, chaque mouleur tamponne une à une les pièces qu'il a fabriquées à l'aide de son insigne métallique, accroché à son poignet. L'un d'eux, Michel Berger, 57 ans, se considère comme un "artisan". "Il faut bien calculer tous ses gestes", ajoute le salarié, entré dans l'entreprise en 1980.
Après l'émaillage, destiné à colorer et étanchéifier les plats, ceux-ci entrent dans un "four tunnel" de 60 mètres de long pour plusieurs heures de cuisson, étape où les aléas sont importants. "Parfait, en céramique, on ne sait pas ce que c'est", lance M. Henry.
3,5 millions de pièces sont produites par an.
- "30 millions de foyers" -
Liée à l'image de la gastronomie, la marque a construit son succès grâce aux plats à four et aux plats à tarte, notamment ceux en forme de corolle fabriqués depuis 1911, qui ont conquis "30 millions de foyers" à travers le monde. En revanche, les produits liés aux arts de la table ont été peu à peu abandonnés.
80% de la production est envoyée à l'export et distribuée dans plus de 65 pays - 25% en Amérique du Nord, 30% en Europe et Russie et 15% en Asie -, selon l'entreprise.
C'est d'ailleurs en raison du développement de ses exportations que l'entreprise, qui a longtemps commercialisé ses produits sous la marque "La Bourguignonne", a adopté en 1982, le nom de celui qui dirigea la société dans l'entre-deux guerres, Emile Henry, plus facilement prononçable pour les anglophones.
Labellisé "Entreprise du patrimoine vivant" et "Origine France garantie", Emile Henry estime que l'estampillage "made in France" suffit pour séduire à l'étranger, notamment au Japon. Mais s'il est fier de son "made in France", pas question pour M. Henry de "culpabiliser les gens" qui n'achèteraient pas français.